Je vous partage l'introduction de mon livre Chemins vers le silence intérieur avec Thérèse de Lisieux, paru en France aux éditions Parole et Silence le 12 mars 2015. Il sera disponible au Canada vers la fin avril.

chemin vers le silence2«L'âme de Thérèse de Lisieux est une petite fille qui tire Dieu par la manche», écrit le poète Christian Bobin dans Les ruines du ciel. On l'appelle aussi Thérèse Martin, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, la petite Thérèse. C'est la sainte des petits pas, des recommencements, l'enfant chérie du monde et de l'Église. Elle avait prophétisé peu de temps avant son entrée dans la vie, le 30 septembre 1897 : « Vous verrez, tout le monde m’aimera ».

Le temps lui a donné raison, surtout lorsqu’on voit l’immense succès de la pérégrination de ses reliques depuis 1994 à travers le monde. J’en fus témoin au Canada à l’automne 2001. Elle qui voulait passer son ciel à faire du bien sur la terre et jeter une pluie de roses après sa mort tient promesse. Nous célébrons sa mémoire au calendrier liturgique le 1er octobre.

Thérèse Martin naît à Alençon le 2 janvier 1873. Malade, elle quitte la maison pour être mise en nourrice et revient seize mois plus tard. Sa mère meurt lorsqu’elle a quatre ans. Deux de ses sœurs aînées vont entrer au carmel de Lisieux. Ses séparations la rendent très fragile. Elle est guérie par le sourire de la Vierge Marie en 1883. «Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n’avais vu rien de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme, ce fut le ravissant sourire de la Ste Vierge» (A 30r).

À Noël 1886, elle vit ce qu’elle appelle sa « conversion ». Par la suite, elle prie pour le repentir du meurtrier Pranzini, afin d’étancher la soif de Jésus. Sa rencontre avec le pape Léon XIII montre sa détermination d’entrer au carmel de Lisieux, ce qu’elle fera à quinze ans. Elle découvre et approfondit une petite voie de sainteté pour tous au cœur même du quotidien et de nos blessures. Elle ne se complaît pas dans la souffrance; c’est l’amour seul qui l’intéresse, surtout durant sa terrible nuit de la foi les dix-huit derniers mois de sa vie. Elle écrit : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie ».

Thérèse est morte de tuberculose, à l'âge de 24 ans, au carmel de Lisieux. Alors qu’une cinquantaine de personnes seulement sont présentes à son inhumation au cimetière de Lisieux le 4 octobre 1897, 500 000 assisteront à sa canonisation à Rome le 17 mai 1925. Elle est déclarée patronne des missions deux années plus tard, alors qu'elle n'a jamais quitté son cloître. Nommée patronne secondaire de la France en 1944, avec Jeanne d'Arc, elle est désignée docteure de l'Église par Jean-Paul II le 19 octobre 1997.

La vie de Thérèse est traversée d’un bout à l’autre par l’amour qui se manifeste non pas dans les extases et les grandes mortifications, mais dans les petites choses du quotidien. Elle découvre une «petite voie» qui lui permet non pas de gravir la montagne de la perfection, mais de prendre l’ascenseur de l’amour que sont les bras de Jésus. Elle ne peut craindre un Dieu qui s’est fait si petit. Elle s’abandonne en Dieu comme un enfant s’endort dans les bras de son père. Il n’y a aucun mérite, aucun moyen extraordinaire, seulement l’abandon. L’objet de son amour est Jésus. Elle lui parle comme à un ami. C’est lui qui aime en elle. En septembre 1896, elle découvre que sa vocation, c’est l’amour. Elle s’écrie, comme si ses paroles étaient brûlées de l’intérieur: «Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’AMOUR... ainsi je serai tout... ainsi mon rêve sera réalisé». C’est la plus belle définition que Thérèse donne d’elle-même: être l’amour. Voilà le cœur de sa vie et de son message.

La jeune carmélite s'est surtout fait connaître par son Histoire d'une âme, best-seller religieux du 20e siècle, traduit en plus de soixante langues. On ne compte plus les ouvrages sur sa vie et sa spiritualité, les pièces de théâtre, les films, les albums à succès. Pourtant, Thérèse n'a rien fait d'extraordinaire, sauf aimer. Mère Teresa disait de sa patronne: «Elle a fait des choses ordinaires avec un amour extraordinaire.»

Mgr Guy Gaucher, affectueusement appelé «l’évêque de Thérèse», décédé le 3 juillet 2014, écrit ceci, dans ce qu’on peut appeler son testament spirituel: «Je dois d’abord à Thérèse ce réalisme sans faille devant la faiblesse humaine, le péché, les blessures, les murs et les nuits qui balaient toute naïveté, toute générosité narcissique et s’affronte sérieusement à l’inouï des abaissements du Verbe Incarné vers «sa pauvre petite créature». Je peux dire que Thérèse m’a beaucoup appris de la vérité de l’Évangile, le rendant vivable, possible, parce que tout vient de Dieu, en bref parce que «Tout est grâce», d’où en conséquence, l’action de grâces permanente.» (Revue Thérèse de Lisieux, septembre 2014).

La petite sœur du « tout est grâce », qui a tant charmé Bernanos, accomplit dans le réel quotidien de la vie cette aspiration fondamentale que nous retrouvons au plus profond de l’âme: le désir d'aimer au-delà des frontières et des religions. Thérèse reste toujours vivante par ses écrits qui présentent sa petite voie de confiance et d'abandon. On pourrait résumer sa spiritualité par dix attitudes intérieures qui sont autant de verbes d'action: 

Désirer aimer Jésus.
Supporter avec douceur nos imperfections.
Espérer en la miséricorde divine.
Grandir en petitesse.
Choisir la petite voie de la sainteté.
Revenir sans cesse à l'Évangile.
Tout faire par amour.
Nous abandonner à Dieu dans la prière.
Étancher la soif de Jésus.
Nous unir à Jésus dans la souffrance.
 

On peut également définir Thérèse de Lisieux par ces mots: authenticité, enfance, simplicité, confiance, espérance, abandon et miséricorde.

Sa vie toute simple est criante d'authenticité. On se retrouve en face d'un témoin qui parle d'expérience avec une grande liberté. Elle a su garder son âme d'enfant. Tout est si simple avec elle. Il s'agit d'accueillir l'instant comme un don et d'y être totalement présent. Dans un monde en proie à tant de peurs, la jeune sainte ne cesse de nous exhorter à tout miser sur la confiance en soi, en les autres et en Dieu.

Solidaire de notre humanité, Thérèse insuffle une joyeuse espérance là où il y a toutes les raisons de s'affliger. Mais l'espérance en quoi? En la miséricorde divine, cet amour qui s'abaisse pour nous élever. Plus qu'un lâcher-prise, Thérèse s'abandonne dans le brasier de l'amour miséricordieux avec ses imperfections. Elle invite à résister au mal par cette faculté de s'en remettre en toute confiance à l'amour gratuit de Dieu manifesté en Jésus, ce nom qui est son ciel ici-bas, son amour consumant et transformant.

Voici une sélection de textes de cette jeune maîtresse de vie spirituelle qui peut nous conduire avec sûreté sur les chemins qui mènent au silence intérieur de l’amour et de l’unité.