L’attentat à Nice, un 14 juillet, m’avait laissé sans voix. En priant pour les victimes, un seul mot revenait, le même que Jésus sur la croix : Pourquoi ? Avec l’exécution du P. Jacques Hamel, pendant qu’il célébrait l’Eucharistie, qui, faut-il le rappeler, est l’actualisation de la mort et de la résurrection du Christ, une autre parole de Jésus en croix est montée au cœur : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).

À la mort du père Jacques, le 26 juillet, j’ai écrit sur ma page Facebook que je priais également pour les deux terroristes tués et leurs familles. Certains, se disant catholiques pratiquants, ne pouvaient pas aller jusque là : « Prier pour ses barbares, jamais, encore moins pardonner ». Je comprends très bien cette réaction humaine. Chacun son cheminement et sa grâce. Mais l’appel de Jésus est clair : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 43-44).

En christianisme, il n’y a pas d’autre voie que celle du pardon et de la douceur pour désarmer le mal. C’est le chemin du Royaume, celui des Béatitudes : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 5-7). Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas se défendre, se protéger, c’est à l’État de prendre les moyens nécessaires, sans attiser la haine qui engendre la violence.

J’entends les pas des martyrs chrétiens traversant les siècles avec leur espérance invincible et pardonnant à leurs bourreaux. Je revois les sept moines cisterciens de Tibhirine, décapités en 1996, vivre l’absolu de l’amour et la fraternité comme projet de vie, face aux intégrismes des extrémistes. Je visionne cette courte vidéo de Noël 2009 où le père Jacques partage sa foi profonde au Christ : « Jésus est venu se faire vulnérable ».

Ce prêtre de 86 ans, ouvert et accueillant, avait écrit dans la lettre paroissiale de juin 2016 : « Puissions-nous en ces moments entendre l'invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel ». Tué dans l’église Saint-Étienne-du-Rouvray durant l’Année sainte de la miséricorde, le pape François l’a qualifié de « saint prêtre » dans l’avion le menant à Cracovie pour les Journées mondiales de la jeunesse, qui sont un microcosme de l’Église.

La vie de cet homme qui voulait servir l’Église jusqu’à son dernier souffle aura été une messe jusqu’au bout. Il a vécu dans sa chair ces paroles de Jésus, prononcées des milliers de fois à la prière eucharistique : « Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous […] Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi. »  

Oui, « il est grand le mystère de la foi ». Et elle est belle cette espérance qui resplendit sur le visage du Christ, livrant sa vie pour que les hommes et les femmes aient la vie en abondance. Devant un tel Dieu qui a vaincu la mort au matin de Pâques en nous hébergeant dans son Fils, le désespoir et la vengeance n’ont pas d’avenir.

Prenez son corps dès maintenant,
Il vous convie
À devenir eucharistie;
Et vous verrez que Dieu vous prend,
Qu'il vous héberge dans sa vie
Et vous fait hommes de son sang. (Patrice de La Tour du Pin) 
 

Pour aller plus loin, lire ce billet du blogue : Aimez vos ennemis.

Publié en partie dans Le Soleil de Québec