En ce mois d’août 2015, la communauté œcuménique de Taizé célèbre le 75e anniversaire de leur fondation et le 10e anniversaire de la mort de leur fondateur, frère Roger, né en Suisse il y a cent ans, le 12 mai 1915.

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Victime d’une agression au couteau le 16 août 2005, le prieur de la communauté entrait dans la vie à 90 ans pendant la prière du soir, dans l’église de la Réconciliation, au milieu de quelque 2 500 jeunes de différentes nationalités. Il est mort comme il a vécu, en priant. Dans un livre écrit en collaboration avec Mère Teresa, il témoignait de la beauté de la prière : « Dans la beauté d’une prière commune, un voile se lève sur l’inexprimable de la foi, et l’indicible porte à l’adoration. Le regard mystique y voit des reflets du ciel sur la terre. » (La prière, fraîcheur d’une source, Bayard, 2003, p. 67)

Fondateur de Taizé

Taizé a commencé lorsque Roger Schutz, 25 ans, quitta sa Suisse natale en août 1940, pour aller vivre en France au début de la Deuxième Guerre mondiale. Protestant d’origine, il portait le projet de fonder une communauté où se vivrait tous les jours la réconciliation entre les chrétiens. Il se fixa sur une colline isolée du village de Taizé, en Bourgogne, cachant alors des réfugiés, surtout des juifs. Des frères le rejoindront et s’engageront à Pâques 1949 dans le célibat, la simplicité de vie, la prière et la réconciliation. Il leur écrivit une règle de vie en 1953.

Assez rapidement, frère Roger va vouloir partager le sort des plus pauvres de la planète. De petites fraternités se trouveront insérées dans des quartiers défavorisés de plusieurs pays. Préoccupé du dialogue interreligieux avec les disciples de l'islam, frère Roger avait fondé une fraternité à Dakar.

« Ah ! Taizé, ce petit printemps ! » dira un jour Jean XXIII en accueillant frère Roger. Il l’invitera à Rome avec quelques frères de sa communauté durant toute la durée du concile œcuménique Vatican II. Bien avant les premières JMJ, en 1984, des milliers de jeunes se réunissaient chaque année dans le petit village de Taizé. Ces jeunes auront été une source d’inspiration pour Jean-Paul II, ami de frère Roger. Il ira à Taizé le 5 octobre 1986, disant : « On passe à Taizé comme on passe près d'une source. ».  

Réconciliation et jeunesse caractérisent bien Taizé. Avec les années, des centaines de milliers de jeunes du monde entier se sont succédé. Ils y trouvent là un accueil respectueux de leurs croyances et une prière de louange très simple et rythmée qui les unit et les aide à découvrir un sens à leur vie.

Lutte et contemplation

Au début de chaque année, frère Roger publiait une lettre qui était traduite en plus de cinquante langues et qui était méditée pendant toute l’année par les groupes de jeunes. Son style était direct et vivant, tutoyant les jeunes, les invitant sans cesse à la confiance, à vivre intensément chaque jour dans la foi, à s’engager pour la justice, à prier simplement, en ne séparant pas lutte et contemplation.

La communauté de Taizé compte une centaine de frères, catholiques ou de diverses origines évangéliques, venant d’une trentaine de nations. Elle est le signe concret de réconciliation entre chrétiens divisés et peuples séparés, au-delà des barrières de races et de religions. Frère Alois, catholique d'origine allemande, a été choisi par frère Roger lui-même quelques années avant sa mort pour être son successeur.

La communauté est connue partout dans l’Église par la beauté de ses chants méditatifs qui parlent au cœur, prolongent le silence, créent l’unité. Frère Alois en témoigne dans un livre d’entretiens avec le journaliste Marco Roncalli :

« Au début des années 1980, nous avons remarqué avec étonnement qu’après la prière du soir les jeunes restaient dans l’église et continuaient à chanter ces chants méditatifs. Alors nous sommes restés avec eux, et désormais cette prière par le chant se poursuit longuement tous les soirs. Depuis toujours les croyants ont ressenti la nécessité de chanter ensemble leur foi. Serait-ce qu’en chantant s’ouvre une porte intérieure à travers laquelle les profondeurs du cœur trouvent leur moyen d’expression? Serait-ce qu’en chantant s’éveille une relation personnelle avec Dieu, tandis que s’accroît la communion entre ceux qui sont présents? À ce propos, je voudrais dire que si les chrétiens séparés se réunissaient plus souvent pour chanter ensemble leur foi au Christ, l’Esprit saint pourrait mieux agir et – qui sait? – pourrait même nous surprendre : il nous unit déjà à travers une prière simple faite d’écoute de la Parole, de louange, d’adoration et de silence. » (Frère Alois, Vers de nouvelles solidarités. Taizé aujourd’hui, Seuil, 2015, p. 120-121).