Un jour de mes vingt ans, j'avais décidé d'aller en Californie sur le pouce avec un ami pour mieux connaître des Jesus peoples vus à la télévision. La police américaine nous ramena au Québec. J’avais demandé à Dieu : « Si tu existes, révèle-toi à moi. » Le 2 juin 1972, il me répondit par Marie et une communauté de jeunes à Drummondville. À la prière du soir, j’ai récité trois Je vous salue Marie avec d’autres jeunes ; j’ai basculé dans la joie et retrouvé le Dieu de mon enfance. J’ai été touché par le Christ, blessé par sa miséricorde; mon cœur ne s’est pas refermé. Depuis ce jour, la joie est pour moi la couleur de Dieu, l’essence même du christianisme, avec l’amour. Raconter mon aventure de conversion, c’est l’inscrire dans une histoire biblique qui crée du sens et dévoile ce qui est caché à l’interprétation.

L’Esprit Saint m’a insufflé un grand amour de Jésus durant les semaines qui ont suivi cette rencontre décisive. J’ai pleuré des larmes d’allégresse et de repentir en renouant avec mon Père céleste. Que de Noëls, de Pâques et de Pentecôtes n’ai-je pas vécus depuis 1972, et que de combats, d’épreuves et de déserts aussi! Mais je retrouve toujours la route en suivant la carte routière de l’année liturgique qui me rend Jésus présent en dressant les tables de la Parole et du Pain. Le Christ vient à moi chaque jour et je vais à lui avec toute mon histoire. Comment le monde pourrait-il me combler par une autre soif que celle de la brûlure divine, gravée dans l’intime de ma chair? Plus je vieillis, plus Dieu me manque; plus je le trouve, plus je le cherche.

Quelques mois plus tard, je rencontrai Jean Vanier à Québec. J’entendis son appel à suivre Jésus de plus prés. J’ai vécu six mois avec ce grand ami des handicapés à l’Arche de Trosly-Breuil, en France. Le père Thomas Philippe, alors mon directeur spirituel, me parla souvent de Thérèse de Lisieux, qui était si proche des blessés de l’Arche. Mais c’est Jean de la Croix qui me fascina à cette époque. J’avais besoin d’un guide qui me montrait concrètement comment aller à Dieu. J’ai lu ses Œuvres complètes qui me marquèrent profondément. J’ai surtout compris l’importance de l’oraison intérieure, de la prière contemplative, une constante chez tous les saints. C’est lors d’une retraite à Châteauneuf-de-Galaure, prêchée par le père Finet au début septembre 1973, que je rencontrai la stigmatisée Marthe Robin. Elle me montra un chemin de libération : l’humilité [...]

jacques 20 ans

Aujourd'hui, je prêche beaucoup de retraites dans des paroisses, communautés, diocèses, sanctuaires, centres de prière, foyers de charité, communautés nouvelles. Ce n’est pas un ministère habituel pour un laïc, n’ayant aucun titre clérical et ne faisant pas partie d’un mouvement particulier. Je vois cela comme un fruit du concile Vatican II, une action de l’Esprit Saint qui pousse l’Église à être moins cléricale et plus pastorale. J’envisage ce ministère de prédication comme une pastorale d’enfantement, dans le prolongement de mon baptême et de ma confirmation. Il n’est pas fondé sur le mérite ou la vertu, comme l’est d’ailleurs l’Évangile, mais sur l’amour de Jésus, la confiance en l’Esprit Saint et le partage des charismes. Je reste humble devant cette vocation exigeante, m’appuyant sur la grâce de mon sacerdoce baptismal et de mon mariage, incertain de moi, mais sûr du Christ [...]

Jésus : mon mot de passe qui se cache sous ma signature. Je vais vers ma mort avec lui, en m’abandonnant à sa miséricorde. Devant la mort, je ne sais que lui, Jésus. J’espère qu’il sera le dernier mot que je dirai avant que le ciel ne s'ouvre comme il s’est ouvert pour le bon larron : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Qu’importe où se trouve ce Paradis, l’essentiel c’est le « avec moi ». Être avec Jésus, tout est là, car « tout est grâce ».

Pour lire le témoignage au complet, "Épilogue" dans Jésus raconté par ses proches, Parole et Silence / Novalis, p. 207-218.