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Le blogue de Jacques Gauthier

Un regard de foi (1): mon témoignage ecclésial

Un ami prêtre m'a proposé de partager ma vision du catholicisme québécois pour le dernier numéro d'une petite revue qu'il dirige. J'ai eu d'abord le réflexe de lui répondre que je n’ai pas le temps, que le sujet est trop complexe, que j’en ai déjà parlé brièvement sur mon blogue, mais je ne suis pas le genre à me défiler. Allons-y donc pour un article plus substantiel en quatre parties : mon témoignage, quelques caractéristiques du catholicisme québécois, mon regard de foi sur l’Église en général, la joie de l’Évangile du pape François. Il ne s’agit pas tant de partager « ma » vision » du catholicisme que celle reçue de l’Église, transmise de génération en génération, même imparfaitement, à partir des apôtres jusqu’à mes parents.

J'aime l'Église

Autant le dire tout de suite, j’aime l’Église, corps du Christ et peuple de Dieu, parce que j’aime le Christ. Je la considère comme le Christ continué et répandu dans les communautés de croyants. Elle n’est pas une entreprise ou une organisation, mais une réalité vitale qui vit de la foi de ses membres de tous les temps et de tous les lieux. L’Église, c’est donc moi, toi, nous.

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Je ne dissocie pas le catholicisme de l’Église, et celle-ci du Christ. Je ne sépare pas non plus ma foi de l’espérance et de l’amour, car « l’amour espère tout » (1 Co 13, 7), et « l’amour seul est digne de foi », pour reprendre le titre d’un livre d’Hans Urs von Balthasar. L’Église a le défi de repartir constamment du Christ, de se convertir à son amour, de tout lui donner, puisqu’il n’enlève rien. Les baptisés sont appelés à vivre de telle manière que leur existence n’a pas de sens sans Dieu, le Christ. 

« Ma » vision du catholicisme est plus théologique et mystique que sociologique et théorique. Elle se nourrit de mon attachement au Christ et elle s’incorpore à la foi amoureuse de Pierre : « Pour vous, qui suis-je ? » Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » […] Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Mt 16, 15.-16.18)

Pour avoir une bonne vision, il faut un regard d’ensemble, un regard de foi. Je vais puiser dans ma vie de baptisé et d’homme marié, dans mon expérience ecclésiale de croyant et de théologien. Ici, pas de règlements de compte, ni d’opinions sur des sujets controversés dont les médias raffolent. Je n’en ai pas le goût et d’autres le font déjà beaucoup. À trop fixer l’attention sur les problèmes internes de l’Église, on oublie que celle-ci n’est pas là pour elle-même, mais pour que le Christ soit annoncé, connu, donné, partagé au monde. L’Église n’est pas un but en soi, elle existe pour que Dieu soit vu, malgré l’indifférence religieuse, le manque de foi, les incompréhensions et les persécutions. Jésus nous avait avertis : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître » (Jn 13, 16).

Chronique d’une mort annoncée

Il y a quelques années, j’assistais à un colloque en théologie où l’on posait cette question : Le christianisme va-t-il mourir ? C’est toujours périlleux de prévoir l’avenir, car nous ne sommes pas prophètes, ou si nous le sommes, c’est en tant que baptisés. Il ne s’agit pas tant de prédire l’avenir que de donner un sens religieux aux événements, de reconnaître le Christ présent dans notre monde, d’y discerner les signes des temps à la lumière de l’Évangile, comme nous y invite le concile Vatican II. Faire en sorte que notre vie soit un mystère pour les autres, qu’en nous voyant ils se posent la question de Dieu. (Voir mon Petit dictionnaire de Dieu)

Plusieurs livres sont parus sur une possible disparition du catholicisme, de l’Église, de la foi chrétienne, que ce soit au Québec ou ailleurs. On a peut-être oublié que l’Esprit Saint est toujours à l’œuvre dans l’Église, comme on l’a vu au récent conclave. Les témoignages de ces auteurs sont nécessairement subjectifs, incomplets. La perception d’un Hans Küng, par exemple, est très différente de celle de Benoît XVI, tant leurs visions de l’Église diffèrent. Chacun parle à partir de leurs expériences. Mon regard de foi est donc teinté de mon enfance, de mes études, de mon expérience du Christ, de ma relation avec l’Église.

Présence de la foi

Baptisé à Grand-Mère le 8 décembre 1951, la Vierge Marie a toujours eu une grande place dans ma vie. Mes parents sont des catholiques pratiquants qui m’ont donné le goût de la prière, de l’amour de Dieu et de l’Église. Très jeune, Dieu s’est révélé à moi comme une présence bienfaisante. Depuis mes souvenirs les plus lointains, j’ai toujours parlé à Jésus comme à un ami, lui disant que je voulais être son missionnaire, son témoin. Bref, j’ai été saisi par l’amour du Christ dès l’enfance. J’aimais le rencontrer à la messe, même si c’était en latin, ce qui ajoutait à ma soif de mystère et de poésie.

L’Église de ce temps-là était plus portée sur la morale que sur l’amour, sur les lois que sur la joie, même si j’avais un témoin de Dieu dans la famille en la personne de mon oncle franciscain. Je me souviens qu’il ne fallait pas croquer l’hostie à la communion. Mais comme je vivais une amitié profonde avec Jésus, je faisais la part des choses et je trouvais l’Église bien belle, avec ses rites, sa liturgie, sa mission.

Je me suis éloigné de l’Eucharistie durant la période hippie de mon adolescence. Jesus Christ superstar, son message peace and love, ses cheveux longs, c’était cool, mais pas l’Église, qui me semblait figée dans le temps. Lors d’un voyage sur le pouce en Californie, j’ai retrouvai le Christ de mon enfance en récitant trois Je vous salue Marie. La Vierge m’a redonné une place dans l’Église. Il y a dans ma vie un avant et un après 2 juin 1972, jour de ma conversion, sans cesse à refaire.

Prédicateur de retraites

J’ai vécu par la suite de belles expériences ecclésiales qui m’ont fait connaître et aimer le Christ : bénévole à l’Arche de Jean Vanier en France, novice à l’abbaye d’Oka, mariage avec mon épouse dans une maison de prière, animateur de pastorale au Cégep, études et doctorat en théologie, professeur à l’Université Saint-Paul, naissance de mes quatre enfants. Je suis devenu spécialiste de Patrice de La Tour du Pin et de Thérèse de Lisieux, j’ai signé de nombreux recueils de poèmes et d’ouvrages de spiritualité, j’ai été animateur à l’émission Le Jour du Seigneur, prédicateur de retraites, conférencier. Ma vision spirituelle du catholicisme est tributaire de ces expériences de foi et d’amour où Dieu se révèle comme la Présence, surtout à l’Eucharistie qui fait l’Église.

Jacques a MJ

Je prêche beaucoup de retraites dans des paroisses, communautés, diocèses, sanctuaires, centres de prière, foyers de charité, communautés nouvelles. Ce n’est pas un ministère habituel pour un laïc, n’ayant aucun titre clérical et ne faisant pas partie d’un mouvement particulier. Je vois cela comme un fruit du concile Vatican II, une action de l’Esprit Saint qui pousse l’Église à être moins cléricale et plus ministérielle, moins hiérarchique et plus de communion. Cette Église facilite la mission des laïcs, en coresponsabilité avec les prêtres, pour la croissance du corps ecclésial tout entier.

J’envisage ce ministère de prédication comme une pastorale d’enfantement, dans le prolongement de mon baptême et de ma confirmation. Il n’est pas fondé sur le mérite ou la vertu, comme l’est d’ailleurs l’Évangile, mais sur la gratuité de l’amour, la foi en l’Esprit Saint et le partage des charismes. Je reste humble devant cette vocation, m’appuyant sur la grâce de mon sacerdoce baptismal et de mon mariage, incertain de moi, mais sûr du Seigneur. Mes amis les saints et les saintes m’aident à tenir bon dans les épreuves inhérentes à ce service.

  Je suis particulièrement touché quand je donne des retraites aux prêtres, aux évêques. Je pense que ma petite Thérèse de Lisieux y est pour quelque chose, elle qui désirait être l’amour au cœur de l’Église et qui était entrée au Carmel afin de prier pour les prêtres. Le thème est souvent le même : le don de l’oraison. Il me semble que chaque baptisé devrait accorder un temps quotidien à cette forme de prière silencieuse où l’on se sait aimé de Dieu, regardé par le Christ, même si on ne ressent rien. Ce cœur à cœur se vit aussi dans l’adoration eucharistique. Il n’y aura jamais assez d’oraison dans l’Église et le monde.

À suivre dans une deuxième partie, mon regard de foi sur le catholicisme québécois d’hier à aujourd’hui.

Une partie de cet article est parue dans la revue Pastorale-Québec, octobre 2014.  
Voir la vidéo de 26 minutes sur mon parcours de vie à l'émission Un coeur qui écoute de KTO

 

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mercredi 3 juillet 2024

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