À l’école de Thérèse depuis tant d’années, je redécouvre sans cesse sa petite voie de sainteté qui jaillit de la source même de l’Évangile. Mon premier livre Thérèse de Lisieux. Toi, l’amour, paru en 1996, a été réédité sous un nouveau titre en 2022, Thérèse de Lisieux, un fabuleux destin (Première Partie). Trente ans plus tard, après une douzaine de livres, voici ma synthèse de sa spiritualité, publiée chez Artège et Novalis, où je propose dix chemins pour renouveler notre vie spirituelle. 

Quel défi, tout de même, de saisir le fil conducteur de la spiritualité de celle dont Pie XI disait qu’elle était une « parole de Dieu pour notre temps », et que le pape François présente en « Docteur de la synthèse » à la fin de son exhortation apostolique C'est la confiance, publiée en octobre 2023. Le génie de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, écrit François, « est de nous conduire au centre, à l’essentiel, au plus indispensable » (n^o 48). Il invite les théologiens, pasteurs et croyants à recueillir son message avec audace et liberté en considérant l’ensemble de sa vie. « En un temps de replis et d’enfermements, Thérèse nous invite à une sortie missionnaire, conquis par l’attrait de Jésus Christ et de l’Évangile » (n^o 52). 

Canonisée à Rome le 17 mai 1925, la carmélite n’a pas laissé de système théologique avec des propositions découlant les unes des autres ni de traité spirituel où seraient décrites les différentes étapes de la montée vers Dieu. Au mieux, retrouvons-nous quelques synthèses dispersées dans près de huit cents pages de texte. Sa vie est un mini-Évangile où Dieu se révèle à travers ses souvenirs, symboles, allégories, poèmes. C’est toute son existence qui est théologique et qui devient le lieu de sa pratique et de sa mission dans l’Église et le monde.

Un amour incarné

Ce qui m’a toujours fasciné chez Thérèse, c’est son désir d’aimer jusqu’au bout, d’aimer surtout Jésus, le centre de sa vie. Elle n’a rien fait de spécial, sauf aimer. Quand elle écrit, c’est pour faire plaisir à ses sœurs et pour faire aimer Jésus. Elle incarne cet amour dans les petites choses du quotidien, lieu de nos limites, de nos faiblesses et de notre rencontre de Dieu. « Pour moi je ne connais pas d’autre moyen pour arriver à la perfection que “l’amour”. Aimer, comme notre cœur est bien fait pour cela » (Lettre 109). On croirait entendre Édith Piaf, qui a été guérie par Thérèse dans sa jeunesse et qui lui est restée fidèle jusqu’à sa mort. Ou bien Georges Bernanos, qui reprend son « tout est grâce » à la fin du Journal d’un curé de campagne. Les romans intimistes du grand écrivain français, comme La joie, sont imprégnés de la source évangélique qui irrigue aussi les écrits du plus jeune docteur de l’Église. 

Thérèse marche à petits pas avec amour dans la lumière d’une foi profonde. Les mains vides, elle avance au creux d’une nuit qui deviendra de plus en plus obscure, surtout au cours des dix-huit derniers mois de sa vie. Sa pratique de l’amour, puisée avec simplicité et profondeur dans l’Évangile, dégage un savoir original de la gratuité du salut chrétien, révolutionne la spiritualité de son temps, libère d’un moralisme étroit, rend la sainteté accessible à tous, ouvre l’avenir à la confiance et à l’espérance. Sa vie est d’une telle authenticité qu’elle fait un avec son message, dont l’essentiel peut se vivre dans tous les états de vie et dans toutes les circonstances. Pas étonnant qu’elle ait inspiré des personnes aussi différentes que Dina Bélanger, Jean Guitton, Élisabeth de la Trinité, Maximilien Kolbe, Édith Stein, Marcel Van, Marthe Robin, Mère Teresa, le pape François. 

Certes, Thérèse est tributaire de son temps. Son époque n’est pas la nôtre. Certains de ses textes nous « parlent » moins dans notre contexte socioculturel. Elle a tout de même dépoussiéré des réalités qui sont toujours valables en notre temps : liberté évangélique, simplicité de vie, désir de Dieu, expérience de foi, profondeur de l’espérance, authenticité de l’amour, chemin d’intériorité. Elle rend compte de sa foi en Dieu qu’elle confesse en purifiant, bien malgré elle, le contexte légaliste des pratiques spirituelles de son temps et en purifiant les idées réductrices du Dieu-Amour. Elle a unifié misère humaine et miséricorde divine, pauvreté intérieure et guérison spirituelle, enfance spirituelle et dynamisme de la confiance. Sa petite voie « de confiance et d’amour » (Lettre 226) reste la pierre d’angle de sa spiritualité. 

Une spiritualité de la confiance

Mais qu’entend-on aujourd’hui par spiritualité ? Au sens large, on peut dire qu’il s’agit de l’art de vivre en harmonie avec nous-même et ce qui nous entoure. C’est une expérience d’unification de tout l’être. Pour les croyants, la spiritualité emprunte un chemin de foi qui conduit à la source de l’amour divin en nous, source éternelle et jeune comme notre âme, que la Bible appelle aussi le cœur.

Qui dit spiritualité dit vie, esprit, souffle, plénitude, intériorité. On peut ajouter, lorsqu’il s’agit de spiritualité chrétienne : désir, engagement, amour, salut, Christ. La spiritualité chrétienne, du latin spiritus, évoque le rapport à la troisième des personnes divines : l’Esprit Saint, le souffle de Dieu. Le style de vie qui s’en dégage se veut conforme à la vie de l’Esprit, reçue au baptême et donnée lors de la résurrection de Jésus. C’est l’art de vivre l’Évangile au quotidien. 

On peut se demander comment Thérèse s’est approprié sa spiritualité à un âge si jeune. En étant attentive à ce qui la touchait et la bouleversait, en habitant profondément son cœur et sa prière. La spiritualité se cache dans ce qui nous émerveille, dans ce qui donne un sentiment de joie et de plénitude, dans ce qu’il y a de meilleur en nous. Elle se révèle aussi dans notre manière de rebondir après une chute, dans cet élan de vie qui nous fait reprendre la route après l’épreuve, dans la foi qui nous relie au Dieu de tendresse et de miséricorde. 

La spiritualité de Thérèse ne se résume pas en une pratique ou vertu particulière, mais en une intention fondamentale du cœur qui se manifeste par une ouverture confiante à l’action de Dieu et par un désir brûlant de « vivre d’amour » (Poésie 17). Tout Thérèse réside dans ces deux mots : vivre d’amour. Sa vie est un long acte d’amour ininterrompu. Elle fait l’expérience de sa finitude et de sa petitesse qu’elle transforme en espérance et confiance. En prenant le risque de l’espérance, qui adopte la forme de la confiance amoureuse, Thérèse insuffle de l’intérieur un dynamisme nouveau à la spiritualité de son temps et du nôtre. 

Celle que les gens appellent affectueusement « la petite Thérèse » atteste que l’amour a toujours le dernier mot, comme l’a bien montré son maître spirituel, Jean de la Croix. Elle nous propose dans ce livre dix chemins pour renouveler notre vie spirituelle. Mettons-nous donc à son école, qui est celle de Jésus. Parcourons ces chemins de foi en toute confiance, là où nous vivons. Nous pouvons aussi les méditer lors d’un temps de retraite à la maison ou dans un lieu de prière. Ils sont autant de repères thérésiens à approfondir, de défis à relever, de roses à découvrir sur « une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle », « une voie royale », tracée par Jésus lui-même.

1. Le chemin du désir : désirer aimer Jésus 
2. Le chemin de l’humilité : supporter avec douceur ses imperfections 
3. Le chemin de l’espérance : espérer en la miséricorde divine 
4. Le chemin de la liberté : grandir en petitesse 
5. Le chemin de la confiance : choisir la petite voie de la sainteté
6. Le chemin de la vérité : revenir sans cesse à l’Évangile 
7. Le chemin de la charité : tout faire par amour
8. Le chemin de l’oraison : s’abandonner à Dieu dans la prière
9. Le chemin de la joie : étancher la soif de Jésus
10. Le chemin de la croix : s’unir à Jésus dans la souffrance

 
Extrait de l'indroduction À l'école de Thérèse de Lisieux. 10 chemins pour renouveler sa vie spirituelle, Paris/Montréal, Artège/Novalis, 2025, 192 pages. 17,90€, 19,95$.

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