Le blogue de Jacques Gauthier
Crucifix à l'Assemblée nationale, croix de chemin
Dans le document sur la Charte des valeurs québécoises, Parce que nos valeurs, on y croit », il est écrit : « La religion a occupé un rôle fondamental dans l’histoire du Québec ; nous devons protéger cet héritage. C’est pourquoi le gouvernement propose de préserver les éléments emblématiques du patrimoine culturel du Québec, qui témoignent de son parcours historique. Le crucifix de l’Assemblée nationale, la croix du mont Royal ainsi que les éléments toponymiques qui ornent le paysage québécois, tels les noms des municipalités et des écoles, en sont quelques exemples. Nous souhaitons ainsi assurer la séparation de l’État et des religions ainsi que la neutralité et le caractère laïque de nos institutions, tout en protégeant notre héritage culturel et historique ».
Cela semble contradictoire: un état qui se dit laïque mais qui garde un symbole religieux au lieu même où les élus légifèrent. Pour moi, qui a mis le Christ au cœur de ma vie, le crucifix n’est pas seulement une référence au patrimoine du passé, un objet d’antiquité bon pour les musées, comme je l’écrivais au blogue précédent Valeurs des uns, droits des autres. Il renvoie à l’amour du Dieu fait homme qui se donne jusqu’au bout. Cette dimension de foi dépasse l’instrumentalisation qu’on fait du crucifix. On vide la croix de son sens théologique quand on la réduit à une donnée sociologique, pire quand on s’en sert pour une visée purement électoraliste. Ainsi va-t-on garder le crucifix à l’Assemblée nationale tant que les sondages y seront favorables, diluant ainsi sa force symbolique religieuse. On ménage la chèvre et le chou. Ce n’est pas parce que la foi chrétienne est encore présente au Québec qu’on garde le crucifix au Salon bleu, c’est pour rappeler qu’elle fait partie de notre histoire et que sans cette foi, nous ne parlerions peut-être plus français. Est-ce seulement cela la symbolique de la Croix du Christ ?
Pour les catholiques qui célèbrent le 14 septembre la fête de la Croix glorieuse, elle est devenue un signe de bénédiction par la mort et la résurrection du Christ. C’est un baiser sur mon front, une fierté au cœur de tout baptisé, comme il est dit à l’antienne d’ouverture de cette fête : « Que notre seule fierté soit la Croix de notre Seigneur Jésus Christ. En lui, nous avons le salut, la vie et la résurrection; par lui, nous sommes sauvés et délivrés ».
Ce bois de vie a ouvert la porte du paradis, ainsi les fidèles peuvent rendre gloire au Père, « car tu as attaché au bois de la croix le salut du genre humain, pour que la vie surgisse à nouveau d’un arbre qui donnait la mort et que l’ennemi, victorieux par le bois, fût lui-même vaincu sur le bois, par le Christ, notre Seigneur » (Préface de la Croix glorieuse).
Les croix de chemin
La Croix a aussi marqué notre territoire, comme ces nombreuses croix de chemin qui pointent vers le ciel au détour d’un chemin, rencontre de la foi et de la culture. Quelques-unes se trouvent aux carrefours de nos villes et villages. Croix d’hier qui marquent notre territoire, Croix de France ou du Québec, Calvaires dispersés dans les paysages bretons ou Croix du Mont-Royal qui surplombe Montréal. Que sont devenues ces Croix, vestiges d’un folklore à la peinture qui s’écaille ou témoins d’une foi toujours décapante?
J’ai voulu leur rendre hommage, ainsi que le Christ lui-même et Marie au pied de la Croix, dans ce poème publié en 2007 dans un magnifique ouvrage édité aux éditions du passage: Les croix de chemin au temps du bon Dieu.
Jacques Gauthier, Les croix de chemin au temps du bon Dieu, p. 62-63.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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