Le blogue de Jacques Gauthier
École de prière (19) Les chaînes de prière
Il m'arrive de recevoir ce qu'on appelle une « chaîne de prière » envoyée à plusieurs. On me demande de prier pour une intention spéciale : guérison d'un enfant, libération d'un otage, paix dans tel pays... À quoi ça sert ?
Je dirais d'abord à m'unir à une communauté, à être en communion avec d'autres. C'est dans cette perspective que le pape François avait demandé de prier et de jeûner pour la paix en Syrie le 7 septembre 2013. Qu'on pense aussi à toutes ces personnes qui vont en pèlerinage dans les sanctuaires pour demander l'intercession de la Vierge Marie, par exemple.
Il ne s'agit pas ici de ces demandes de prières que l'on retrouve sur Internet, comme avoir du succès, de l'argent, où l'on exhorte à ne pas briser la chaîne, sinon personne ne sera exaucé. Là, on tombe dans la superstition et la pensée magique. Prier, ce n'est pas soumettre Dieu à notre volonté, mais entrer dans son désir de salut et de bonheur pour chacun de nous. Il s'agit de passer de ce que je veux à ce que Dieu veut : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
En demandant ensemble telle faveur à Dieu, on s'abandonne en toute confiance à sa miséricorde, on ose l'espérance, comme Jésus nous y exhorte : « Demandez, on vous donnera; cherchez, vous trouverez; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit; qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira (Luc 11, 9-10.) » C'est au fond un déploiement du mystère de la communion des saints qu'est l'Église, communauté de baptisés qui s'en remettent au Christ ressuscité. Prier pour les autres, en toute humilité et confiance, c'est toujours un cadeau qu'on leur fait.
La fécondité de la prière
On peut se demander alors quelle « efficacité », mieux quelle fécondité, peut-on espérer de cette chaîne de prière ? La prière est liée à la foi faite de confiance, de fidélité et de persévérance. Elle porte son fruit en elle-même. Jésus, même s'il n'a pas guéri tout le monde, invite à prier sans se décourager, quoi qu'il arrive. Le fait de prier met déjà dans un état de paix, de réceptivité, d'accueil. La prière est efficace en elle-même. Elle donne à plusieurs force, courage et consolation pour supporter les souffrances de la vie. « Si l'un de vous est dans la souffrance, qu'il prie » (Jacques 5, 13).
Personnellement, je prie surtout en silence dans un cœur à cœur amoureux avec Dieu en répétant intérieurement le nom de Jésus. Je prie parce que Dieu est Dieu, pour lui permettre de naître et d'exister en moi. Je porte dans mon cœur toutes les intentions que l'on me confie et je les offre au Père par Jésus dans l'Esprit. Je prie comme je suis et comme je vis, comme je crois et comme je parle à un ami. Je ne suis jamais seul, car je porte en Église le monde dans ma prière.
Réconfort psychologique ou union à Dieu
Le psy et le spi sont étroitement liés en nous. Bien sûr qu'il peut y avoir un réconfort psychologique dans la prière, mais c'est un avantage marginal, la finalité de la prière est d'abord l'union à Dieu. S'il exauce concrètement telle demande de notre part, c'est que cela sert à notre salut ou à celui de quelqu'un d'autre. Cela peut raviver notre foi, notre espérance et notre amour en lui qui veut ce qu'il y a de mieux pour ses enfants, « l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Luc 11, 13).
Si nous avons l'impression que nous ne sommes pas exaucés, il ne faut pas se culpabiliser pour autant. Cela ne veut pas dire que l'on est moins bon ou que Dieu nous aime moins qu'un autre. L'amour de Dieu ne se soustrait pas, il se multiplie. Il connaît nos besoins et il sait ce qui est bon pour nous. On ne marchande pas avec Dieu, tout est gratuit chez lui. Au-delà du don qui peut être accordé, il y a toujours le Donateur lui-même qui nous donne son amour, sa présence.
Ne concluons donc pas trop vite que notre prière n'est pas exaucée. Qu'en savons-nous? Il ne faut pas trop s'appuyer sur ce que l'on ressent, nous sommes ici dans le domaine de la foi et de la liberté. « Tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l'avez déjà reçu, cela vous sera accordé. (Marc 11, 24.) » Dieu a ses raisons qui dépassent les nôtres. Il n'est jamais sourd à notre prière. Aucune prière ne se perd dans le néant, même si ma demande ne correspond pas toujours à la volonté de Dieu. Aucune prière ne porte pas de fruit, même si je ne sais pas toujours ce que je demande. Cela reste caché dans le mystère de Dieu, qui peut se servir de ma pauvre prière pour un autre dans le besoin.
Pour moi, toute prière est exaucée, car elle me met en présence de Dieu. Dans une interview sur l'efficacité de la prière, je répondais à la journaliste Martine de Sauto que Dieu n'est pas un guichet automatique, une loterie où l'on achète un billet : « Prier, c'est se mettre en présence de Dieu, s'abandonner pour s'en remettre à Lui, et accueillir la paix qu'il nous donne » (La Croix, 25 janvier 2014, p. 11).
Recevoir une grâce que nous demandons à Dieu, à Jésus, à Marie, à un saint n'est pas une récompense. Dieu fait lever son soleil sur les bons et les méchants. Il agit dans notre vie par son Esprit avec beaucoup de respect et de discrétion. Chaque prière a sa grâce, et Dieu donne toujours au bon moment la prière dont on a besoin. Il n'y en a pas de mauvaise. Exauce-t-il toutes les prières? Oui, mais à son heure et à sa manière.
Pour aller plus loin, voir mon Guide pratique de la prière chrétienne et Prières de toutes les saisons.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
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