Le blogue de Jacques Gauthier
École de prière (22) Présence de Dieu, trésor de l'âme
"Mettons-nous en présence de Dieu et adorons-le". Qui n'a pas entendu cette formule, à l'église ou dans un groupe de prière, avant de réciter un chapelet ou une autre prière? Dieu ne nous est-il pas toujours présent? Oui, mais sommes-nous présents à sa présence? Se mettre en présence de Dieu veut dire : s’arrêter un moment, se recueillir, prendre conscience de sa présence en nous. Qu’importe si nous ne la ressentons pas lorsque nous prions, l’important est « d’être » en sa présence. C’est dans la foi profonde que nous rencontrons Dieu, au-delà de tout sentiment. Il réalise sa présence en nous, au présent.
Un cœur qui écoute
Si je me mets en présence de Dieu, ce n’est pas d’abord pour être bien dans ma peau, mais pour écouter ce que Dieu veut me dire. Cette écoute attentive se résume à un appel à aimer et à me laisser aimer au cœur même de la communion qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit. Toute prière chrétienne est une expérience trinitaire et filiale de communion, de présence et d’ouverture aux autres.
La bienheureuse Élisabeth de la Trinité, née le 18 juillet 1880 et décédée au carmel de Dijon le 9 novembre 1906, parlait de vivre en présence des Trois dans le ciel de son âme. Elle s’en ouvre au chanoine Angles alors qu’elle n’a que vingt ans. « C’est si bon, cette présence de Dieu! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais. « Dieu en moi, moi en Lui », oh! c’est ma vie!... J’aime tant ce mystère de la Sainte Trinité, c’est un abîme dans lequel je me perds. (Œuvres complètes, lettre 62).
Je porte toujours en mon âme ce trésor que je redécouvre chaque fois que j’entre en relation avec Dieu. Je m’arrête quelques minutes, je dialogue surtout avec Jésus, même en marchant. C’est une grâce de mon baptême. Ce n’est pas automatique, mais en prenant chaque matin du temps pour la prière intérieure, l’oraison, ma foi est vivifiée par ce simple regard d'amour où Dieu a soif de moi et où j’ai soif de lui. Cela m’aide à vivre en présence de Dieu toute la journée, même si je n’en suis pas conscient. C’est une question de confiance, non d’auto suggestion ou de pensée magique, une réponse de foi à la Parole de Jésus qui nous dit que le Royaume de Dieu est au-dedans de nous : «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui» (Jn 14, 23).
L'abandon total
La foi au Dieu Père, Fils et Esprit me fait entrer dans une autre dimension de sens où je touche une présence à l’intérieur de moi comme si je voyais l’invisible. Je découvre que je suis habité, que je ne suis jamais seul. L’acte de foi en la présence de Dieu en moi est liberté de l’esprit et ouverture de l’intelligence, désir d’aimer et abandon total. Sainte Édith Stein, morte à Auschwitz le 9 août 1942, exprime bien cette aventure de la foi: « Il existe un état de repos en Dieu, de totale suspension de toute activité de l’esprit, dans lequel on ne peut plus ni dresser des plans, ni prendre de décisions, ni même rien faire, mais où, ayant remis tout l’avenir au vouloir divin, on s’abandonne entièrement à son destin ».
L’acte de foi pose le fidèle dans l’absolu d’une présence et le dispose à la contemplation, à l’attention amoureuse à Dieu. Elle est belle cette foi qui voit la présence de Dieu dans la vie quotidienne. Telle est la foi des témoins de Dieu, comme celle de la bienheureuse Marie-Léonie : « Ma foi venait de la présence de Dieu que je sentais en moi. Il a toujours eu la première place dans ma vie. J’étais convaincue que l’âme qui ne perdait pas la présence de Dieu en elle avait trouvé un trésor que personne ne pouvait lui ravir ». (Les chemins de l’Évangile. Entretiens avec Marie-Léonie Paradis).
Le désir de la présence de Dieu
Quelle joie de porter toujours en soi ce trésor éternel comme une révélation de notre dignité ! On peut tourner notre cœur vers Dieu, l’aimer chaque instant, sans toujours penser à lui, ce qui est impossible. Le désir suffit, disait saint Augutin.
Désirer la présence de Dieu, c’est être déjà en sa présence. Tout peut donc devenir prière. C’est reposant pour soi et les autres. Il ne s’agit pas de posséder, d’acquérir, mais d’être simplement présent à soi-même, au monde et à Dieu avec nos blessures et nos fragilités. Nous vivons alors la présence de Dieu comme un repos et une grâce, sans rien prouver, sans vouloir épater la galerie.
Lorsque nous avons découvert en soi ce trésor de la présence divine, cette intimité amicale avec le Christ, nous devenons vraiment ce que nous sommes, une présence dans la Présence, à l’image de notre mère Marie. On peut être incompris, ignoré, insulté; il suffit de descendre en soi quelques minutes, de faire un acte de foi, pour retrouver la paix du cœur, le contact avec Dieu. Cet exercice si simple rend l’action plus féconde. Rentrer en soi pour mieux remonter à Dieu et rayonner de sa lumière, ne serait-ce pas là le secret du bonheur?
Paru dans le magazine La vie est belle, avril et mai 2014. Voir également Guide pratique de la prière chrétienne (Presses de la Renaissance, 323 pages); Expérience de la prière (Parole et Silence, 140 pages).
Vidéo de 30 minutes d'une retraite sur l'oraison dans ma chaîne YouTube, ajoutée le 14 mai 2020.
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
Sur le même sujet:
En acceptant, vous accéderez à un service fourni par un tiers externe à https://www.jacquesgauthier.com/
Commentaires