École de prière (61) L'écoute

En 1846, le philosophe danois Kierkegaard écrit dans son Journal : « L’homme immédiat pense et s’imagine que le plus important, quand il prie, ce sur quoi il doit surtout insister, c’est que Dieu entende ce qu’on lui demande. Et, cependant, au sens éternel de la vérité, c’est justement l’inverse : la vraie relation dans la prière n’est pas quand Dieu écoute ce qu’on lui demande, mais lorsque celui qui prie persiste à prier jusqu’au moment où il devient celui qui écoute, qui écoute ce que Dieu veut » !

Écoute de la Parole

Plus que demander, prier, c’est d’abord écouter Dieu qui nous parle. « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 Samuel 3, 9). La prière est réponse à sa parole en nous et en l’autre, dans la Bible et la nature. Prier, c’est accueillir Dieu qui nous attend. Sa parole épouse notre silence ; elle nous donne les mots pour le prier en vérité, « comme on parle d’homme à homme » (Exode 33, 11).

L’écoute de la Parole qui retentit dans l’instant présent de la prière remplit la mémoire du souvenir de Dieu. La prière creuse en nous le désir de Dieu et la faim de sa parole, à l’exemple de Marie, Vierge de l’attente, qui « retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur (Luc 2, 19). « Écoute ma fille, regarde et tend l’oreille » (Psaume 44, 11).

En ce début de l’Avent, prenons conscience du Dieu présent en nous. Avec Marie, écoutons ce qu’il veut nous dire. Cette écoute attentive se résume à un appel à aimer et à nous laisser aimer au cœur même de la communion entre le Père, le Fils et l’Esprit. Toute prière chrétienne est une expérience trinitaire de communion, de présence et d’ouverture aux autres.

Écoute de l’Esprit

La prière est aussi écoute de l’Esprit Saint qui donne la vie. Il aide à discerner les appels de Dieu et à reconnaître ses signes dans notre vie et dans le monde. L’Esprit donne la compréhension de ce que l’on doit accomplir, la direction à prendre pour plaire à Dieu, la force d’aimer à la suite du Christ. Dans le silence de l’oraison, de la prière contemplative, l’Esprit invite à nous arrêter, à être là, tout simplement, nous abandonnant paisiblement à son amour.

Jésus enseigne que la valeur de la prière n’est pas tant dans la quantité de paroles ou la répétition de formules que dans l’écoute intérieure de l’Esprit. « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés » (Mt 6, 7). Prier, c’est de passer des lèvres au cœur. Ce qui faisait dire à saint Augustin : « Seigneur, que mes lèvres se taisent afin que mon cœur crie ».

Nous sommes des apprentis dans la prière, qu’elle soit dite à voix haute ou silencieuse. Saint Paul le rappelle en affirmant que « nous ne savons pas prier comme il faut », mais que « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse » (Rm 8, 26). Celui-ci prie le Père en nos cœurs et nous guide sur les chemins de l’intériorité où nous rejoignons la prière de Jésus. "La prière terrestre de l’homme Jésus n’est que le prolongement du dialogue éternel du Fils avec son Père, de ce qu’on pourrait appeler la prière éternelle du Fils. Nous est-il possible d’accéder à l’intelligence de ce dialogue du Fils avec le Père"? (Henri Caffarel, Cinq soirées sur la prière intérieure)

La prière relève de la foi, non de ce que l’on ressent. Il n’y a pas de recettes toute faires, de « prêt-à-prier ». Ne nous décourageons pas, Dieu aime nous voir prier. Il désire s’entretenir avec nous, nous partager son intimité, si nous savons l’écouter : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Apocalypse 3, 20).

Article paru dans le Prions en Église Canada, 3 décembre 2017, p. 35-36.

Pour aller plus loin: Henri Caffarel, maître d'oraison (Cerf); La prière chrétienne, guide pratique (Presses de la Renaissance).