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Le blogue de Jacques Gauthier

École de prière (64) La vénération des reliques

Reliques, du latin relictum, signifie les restes, ossements ou cendres de personnes saintes, ainsi que des objets qui leur ont appartenu. Que ce soit les reliques de François Xavier, Thérèse de Lisieux, soeur Faustine, frère André, Jean-Paul II, les fidèles se déplacent en nombre dans les églises pour les vénérer. Comment se fait-il que les reliques de ces personnages du passé attirent encore des foules aujourd’hui? On aurait pu penser que dans notre milieu « postmoderne » et fortement sécularisé, ce culte des reliques était dépassé. Cette forme de piété populaire n'est-elle pas proche de la superstition, du fétichisme? Pour y voir plus clair, voici quelques éléments qui relèvent de l'anthropologie, de l'histoire, de la théologie et de la spiritualité.

Des modèles près de nous

Tout commence avec le culte des morts qui est une caractéristique décisive de notre humanité. Du plus loin que l’on remonte dans l'histoire, les hommes préhistoriques ont enterré leurs morts avec respect. Encore aujourd’hui nous allons parfois au cimetière pour prier sur la tombe de nos proches. On conserve une image d’un parent, un portrait d’un ami, gardant ainsi vivant le souvenir. C’est une manière d’exprimer notre amour envers des êtres qui nous sont chers.

Cet amour se manifeste aussi envers les stars. Par exemple, des « fans » se rassemblent aux tombes de vedettes rock comme Elvis Presley, Jim Morrison, John Lennon, Johnny Hallyday, ou d'autres, comme si dans nos sociétés il y avait un transfert des saints au stars. Et pourtant, il y a toute une différence: la star brille, le saint éclaire. Sa lumière ne vient pas de lui, mais du Christ ressuscité. Les gens qui se rassemblent pour vénérer la relique d'un saint ou d'une sainte prient devant le corps d’une personne dont sa vie a été un modèle pour eux et que son corps, promis à la résurrection, a été rempli du Saint Esprit.

Le philosophe et savant Blaise Pascal écrivait en septembre 1656 : « C’est une vérité que le Saint-Esprit repose invisiblement dans les reliques de ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu, jusqu’à ce qu’il y paraisse visiblement en la résurrection, et c’est ce qui rend les reliques des saints si dignes de vénération. Car Dieu n’abandonne jamais les siens et non pas même dans le sépulcre où leurs corps, quoique morts aux yeux des hommes, sont plus vivants devant Dieu ». 

La foi chrétienne n’est pas désincarnée. Elle se situe dans une histoire et a besoin de médiations, de signes concrets et de modèles qui parlent aux fidèles. Ils ont besoin de voir, de toucher, de se recueillir, d’exprimer leur amour pour tel témoin qu’ils sentent proche de leurs préoccupations. Vénérer des reliques, c’est se rapprocher du saint qui intercède pour nous, lui avouer notre amour, louer l’action de Dieu en lui. Ce témoin est présent d’une façon unique par l’ADN des restes de son corps qui a aimé, chanté, cherché, désiré, écrit, pleuré, prié, travaillé, souffert par amour, à la suite du Christ.

La foi des martyrs

Historiquement, la vénération des reliques des saints remonte à la coutume d’enterrer les corps des martyrs qui ont imité le sacrifice du Christ. Leurs tombes ont de tout temps fait l’objet de vénération, suscitant même la construction de basiliques, d’oratoires, de centres de pèlerinage. Le culte des saints fait partie de la foi catholique, on le retrouve aussi différemment dans d’autres religions qui vénèrent leurs gourous, sages, prophètes.

Les reliques ne sont pas seulement les ossements d’un saint, mais aussi ses vêtements et les objets lui ayant appartenu. Au Ve siècle, les autorités de l’Église mirent en garde contre certains abus. Il fallait s’assurer de l’authenticité des reliques et ne pas en faire le commerce. Mais au-delà des dérives possibles, comme la superstition ou la magie, l’Église a toujours considéré comme légitime la vénération des reliques qui connut un regain d’intérêt au Moyen Âge. C’est là que nous trouvons de magnifiques reliquaires fabriqués avec des matérieux précieux et qui contiennent les restes des saints et saintes pour être exposés à la vénération des fidèles. Dans son document sur la liturgie, le concile Vatican II rappelle que, « selon la Tradition, les saints sont l’objet d’un culte dans l’Église, et l’on y vénère leurs reliques authentiques et leurs images » (no 11). Et dans le Catéchisme de l’Église catholique pour les jeunes, on reconnaît que « vénérer des reliques relève d’un besoin que les hommes ont naturellement de témoigner respect et dévotion à certains saints. On vénère convenablement les reliques des saints, si, dans le don de leur vie à Dieu, on loue l’action de Dieu lui-même » (Youcat, no 275).

Le reliquaire d’un saint offre aux fidèles l’occasion d’exprimer leur foi et leur amour avec tout leur corps, dans un climat de liberté et de fête, de beauté et d'intériorité : marcher en procession, prier seul ou avec d’autres, chanter, allumer un lampion, méditer en silence, écrire des intentions de prières, offrir des fleurs, repartir avec une pensée biblique ou du saint, s’il a laissé des écrits. Ce n’est pas de l’adoration, mais de la vénération.

La victoire du Christ ressuscité

L’Église catholique a pris l’habitude de déposer des reliques de saints, même non martyrs, sous l’autel d’une église ou dans la pierre d’autel. Elle montre ainsi que le culte des reliques doit être étroitement lié au mystère de la résurrection du Christ, centre de la foi des chrétiens. Aujourd’hui, les reliques autorisées à la vénération sont celles qui ont été authentifiées avec grand soin.

Pour l’Église, ceux qui sont morts dans le Christ sont plus vivants que jamais. C’est lui que nous rencontrons à travers ses témoins. En vénérant les restes du corps d’un saint ou d’une sainte, c’est la victoire du Ressuscité qu’on acclame. Les reliques conservent la trace du témoin invisible et permettent aux fidèles d’en recueillir le souvenir visible.

J’ai accompagné le reliquaire de Thérèse de Lisieux pendant un mois au Québec à l’automne 2001. Je fus souvent ému de voir les gens de tous les âges et de toutes les conditions recueillis devant les restes de son corps. C’est comme si la petite Thérèse redonnait l’Église aux gens ordinaires. Les célébrations liturgiques étaient plus vivantes, moins froides. Les fidèles pouvaient y participer activement avec tous leurs sens, prier avec tout leur corps : voir et toucher le reliquaire, sentir l’encens et les fleurs, entendre la Parole de Dieu, manger le Pain de vie, chanter, marcher en silence, prier à genoux, debout ou assis. C’était pour eux une sorte de pèlerinage où ils priaient près d’un témoin qui venait à eux pour les conduire à Dieu. J'ai relaté cette expérience des reliques de Thérèse au Canada dans mon livre Thérèse de l'Enfant-Jésus au milieu des hommes.

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Une expérience populaire de la foi

Il n’y a pas deux sortes de foi chrétienne : une foi populaire pour les gens ordinaires et une foi savante pour les intellectuels. La foi et la liturgie demeurent, mais les expressions varient et les images restent. La vénération des reliques n’est pas d’abord une expression de la foi populaire, elle est surtout une expression populaire de la foi. Ce n'est pas non plus de l'idolâtrie, puisqu'on adore Celui qui fait les saints et les martyrs. Nous rendons grâce à Dieu pour ce qu'il a fait de beau dans leur vie et nous les prions d'intercéder pour nous auprès de lui.

La voque actuelle pour les pèlerinages à pied, le culte des saints et les grands rassemblements de foi peut être considérée comme un retour du corps dans la prière, une façon de vivre le christianisme qui est la religion du corps, de l’Incarnation, puisque le Verbe s’est fait chair. D’ailleurs, les reliques les plus insignes se rapportent au Christ lui-même, comme celles de la couronne d'épines à Notre-Dame de Paris ou du suaire de Turin.

Cette même piété populaire se manifeste aussi par le culte des images, icônes, peintures, mosaïques, statues, médailles, qui représentent un saint ou une sainte, et que l’on retrouve aussi dans d’autres religions. Par contre, ce culte des images n'est pas favorisé dans le judaïsme, l’islam, le calvinisme et certaines communautés évangéliques, car il est interdit pour eux de se représenter le Dieu transcendant et ses prophètes, même s’il est dit au début de la Bible : « Faisons l’homme à notre image et notre ressemblance » (Gn 1, 26). Ce qui justifie surtout les images dans le christianisme est cette parole de Jésus : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14, 9).

Prier devant une relique ou une image met en relation avec Dieu. Nous pouvons demander au saint telle faveur, en sachant bien que ce n’est pas la relique, la statue ou la médaille qui guérit, mais Dieu qui écoute la prière du croyant. Ce n'est pas de la magie et il n'y a pas d'énergie particulière dans la médaille, la statue, l'huile, ou autre élément qui sert de signe de foi. Nous désirons recevoir la protection du saint ou s’assurer de son intercession tout en s’en remettant sans cesse à Dieu qui sait ce qui est bon pour nous. Lui seul guérit. C’est une question de foi, de confiance et d’amour. Le témoin peut nous rapprocher de Dieu, raffermir notre foi, nous aider à nous abandonner à l’amour et à la confiance. Nous leur confions des intentions de prière comme on parle à des amis, mais c’est finalement l’action de Dieu que nous reconnaissons en eux.

Authenticité et conservation des reliques

Le 16 décembre 2017, la Congrégation pour les causes des saints a publié en italien une Instruction sur « Les reliques dans l’Eglise : authenticité et conservation » (“Le reliquie nella Chiesa: Autenticità e Conservazione”). Le document stipule que le commerce, la vente de reliques, leur exposition dans des lieux profanes ou non autorisés, sont « absolument prohibés ». Il présente la procédure canonique pour vérifier l’authenticité des reliques et des restes mortels, pour leur conservation et leur vénération – reconnaissance canonique, prélèvement de fragments, confections de reliques, translation de l’urne – et pour solliciter l’approbation du dicastère dans chacun de ces cas.

Les reliques dites « insignes » – le corps des bienheureux et des saints ou des parties importantes du corps ou le volume entier des cendres de leur crémation – doivent recevoir « un soin et une attention spéciale pour en assurer la conservation et la vénération et pour en éviter les abus ». Elles doivent être conservées « dans des lieux qui en garantissent la sécurité, qui en respectent la sacralité et qui en favorisent le culte ».

Les reliques « non insignes » – petits fragments du corps ou objets qui ont été en contact direct avec les bienheureux et les saints – doivent être conservées dans la mesure du possible dans des reliquaires scellés et doivent être honorés « avec un esprit religieux, en évitant toute forme de superstition et de commerce ».

« Si les reliques d’un bienheureux ou d’un saint doivent être apportées en pèlerinage (à savoir transférées temporairement) dans d’autres diocèses ou éparchies, l’évêque doit obtenir le consentement écrit de chaque évêque qui les accueillera et en envoyer copie à la Congrégation », décrète également le texte.

Pour l’extraction des reliques ou de la dépouille, la Congrégation recommande de « ne pas faire de publicité à l’événement » et donne la procédure à suivre pour protéger les reliques des poussières et des impuretés. Pour le prélèvement de fragments et la confection de reliques, « le démembrement du corps n’est pas permis », sauf si l’évêque a l’approbation du dicastère pour la confection de reliques insignes.

À paraître en février 2018, nouvelle édition revue et augmentée de mon livre: Les saints, ces fous admirables (Novalis / Béatitudes).

Pour aller plus loin, La prière chrétienne, guide pratique; Expérience de la prière; Thérèse de l'Enfant-Jésus au milieu des hommes.

Pour entendre mon entrevue à l'émission "Sur le vif" du 3 janvier 2017 à Radio Canada Ottawa sur la présence de la relique de saint François Xavier au Canada: Première partie: cliquer ici; deuxième partie, cliquer ici.

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lundi 7 octobre 2024

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