La loi 21 sur la laïcité de l’État au Québec a été adoptée sous bâillon le 16 juin. Les signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité sont désormais interdits, incluant les directeurs d’école et enseignants du primaire et du secondaire du secteur public. Le débat durait depuis plus de dix ans, mais il n’est pas clos pour autant. La loi est déjà contestée devant les tribunaux. Deux visions s’affrontent : le multiculturalisme canadien et le nationalisme québécois, les droits des minorités et l’affirmation de la majorité. Ce qui nous ramène à la question de l’identité québécoise.

Signes religieux

L’identité, qu’elle soit personnelle ou collective, est toujours en devenir. Elle est faite de racines et de chemins qui ne sont pas figés dans le temps et l’histoire. Il y a plus de 400 ans, des gens venus d’ailleurs se sont enracinés en Nouvelle France avec leur langue et leur foi. D’autres ont emprunté des chemins différents pour chercher la liberté chez nous. « Eux » sont devenus « nous », sans renier leurs religions et cultures. L’intégration demeure un pari, et l’identité une aventure, où nous avons à tendre la main pour mieux comprendre l’autre dans ses choix de vie et ses croyances, tels que garantis par nos chartes. 

La politique devrait être l’art de favoriser la rencontre des personnes par le dialogue et le partage. La loi 21 risque de nourrir les préjugés envers les minorités, l’intolérance envers ceux et celles qui affichent des signes religieux, comme si la religion était une plaie qui n’engendre que la violence. Pourquoi l’empressement d’agir ainsi? La loi 101 sur la protection du français répondait à une urgence, mais l’interdiction du port de signes religieux traduit surtout un profond malaise religieux au Québec. Ainsi, on exclut de l’enseignement des femmes musulmanes pour l’unique raison qu’elles portent le voile. Ce sont elles qui seront surtout touchées par la loi, qui s’exposeront à des sanctions, pouvant aller jusqu’au congédiement. Ces amendements, déposés à la dernière minute, qui incluent des mesures de surveillance pour mieux appliquer la loi, sont une atteinte à la démocratie et à la liberté de religion. 

On verra avec le temps ce que ce projet de loi changera dans la perception de ce que nous sommes et de ce que nous voulons devenir. Mais en accentuant nos différences au détriment de nos ressemblances, nous mettons en place un mécanisme de confrontation, non de communion. Pourquoi attiser l’affrontement, alors que nous sommes sur terre pour vivre ensemble dans l’harmonie, surtout à l’heure du grand défi écologique à relever? 

Pour aller plus loin, lire la déclaration des évêques catholiques du Québec du 14 juin 2019, Vivre ensemble.
Voir également l'article de Jocelyn Girard dans Présence du 17 juin 2019.