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Le blogue de Jacques Gauthier

Maîtres spirituels chrétiens (3)

Voici le dernier article d'une série de trois, tiré de mon livre Les maîtres spirituels chrétiens. Vous trouverez les deux articles précédents sur mon blogue

 

Thérèse d’Avila et Jean de la Croix

Thérèse d’Avila (1515-1582) est surnommée la mère des spirituels. Pédagogue hors pair de l’oraison, la madre témoigne de notre vocation commune à vivre une relation d’amour authentique avec Dieu et les autres. Elle a laissé des écrits enflammés, comme Le Château intérieur, dans lesquels nous entendons battre son cœur espagnol. Thérèse réformera le Carmel avec un jeune carme Jean de la Croix. Tous deux sont des mystiques de l’amour, de l’union à Dieu, du mariage spirituel.

Jean de la Croix 2

Jean de la Croix (1542-1591), docteur mystique par excellence, présente clairement les grands éléments de la vie intérieure, ses nuits et ses aurores, ses exigences et ses illusions. Il a laissé des livres lumineux qui fascinent les chercheurs de Dieu et libèrent l’amour au cœur de chacun : La Montée du Carmel, La Nuit obscure, Le Cantique spirituel et La Vive Flamme d’amour. Il a écrit cette parole essentielle : « Au soir de la vie, on t’interrogera sur l’amour ».

La renommée de Jean de la Croix dépasse largement les frontières du christianisme. Son message de foi et d'amour s'adresse à tous et s'adapte à toutes les vocations, religieuses ou non. Poète du Christ, rossignol du Carmel, ses poèmes demeurent parmi les plus beaux du patrimoine littéraire mondial. Ses paroles de lumière n’ont pas fini de retentir dans la nuit de notre monde et de nourrir la prière contemplative des chercheurs de Dieu. Elles coulent de source, c'est-à-dire de l'Évangile.

François de Sales et l’École française de spiritualité

La spiritualité de François de Sales (1567-1622) se caractérise par la sainteté accessible à tous, l’Évangile comme règle de vie et l’amour comme unique méthode. Voilà un saint très humain, un maître spirituel de la douceur, qui va simplifier la vie chrétienne par son Introduction à la vie dévote. François sort la sainteté des cloîtres et la lance sur les sentiers du monde. Pour lui, Dieu n’est pas sévère, il est le Dieu de la joie. Il fonde l’ordre féminin de la Visitation avec Jeanne de Chantal (1572-1641).

Dans son fameux Traité de l’amour de Dieu, il parle de la différence des amours, de l’oraison en tant que théologie mystique, du désir que Dieu a d’être aimé, de la contemplation : « Le cœur divin est amoureux de notre amour ». L’humanisme chrétien de François de Sales transpire dans ce livre qui trouve encore aujourd’hui de nombreux lecteurs. Docteur de l’Église, il est aussi le patron des journalistes, des éditeurs et des écrivains.

Ce qu’on appelle « l’École française de spiritualité », suscitée par François de Sales, prend son envol au XVIIe siècle avec le cardinal Pierre de Bérulle (1575-1629), auteur des Grandeurs de Jésus. Il introduit en France le Carmel réformé et fonde l’Oratoire. Y sont associés des noms comme Monsieur Olier, saint Jean Eudes et saint Vincent de Paul, grand apôtre de la charité. En Nouvelle-France, cette école inspirerera des saints comme les martyrs canadiens, François de Laval et Marie de l'Incarnation. Notons un renouveau de la spiritualité mariale avec Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716) et son Secret de Marie. On remarque également la ferveur du culte au Cœur de Jésus avec Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) à Paray-le-Monial

Thérèse de Lisieux et la petite voie de la confiance

Thérèse de Lisieux, nommée docteur de l’Église par Jean-Paul II en 1997, reprend les thèmes de l’École française de spiritualité pour les mener à leur plein épanouissement. Par sa manière toute simple et profonde, elle déclenche une véritable révolution spirituelle qui sera contenue dans son autobiographie, Histoire d’une âme. En prenant le risque de l’espérance, qui prend la forme de la confiance amoureuse, la petite Thérèse insuffle de l’intérieur un dynamisme nouveau à la spiritualité de son temps et du nôtre.

dix-attitudes-ThereseSa spiritualité ne se résume pas en une pratique ou vertu particulière, mais en une intention fondamentale du cœur, qui se manifeste par une ouverture confiante à l’action de Dieu et par un désir brûlant de « vivre d’amour ». La jeune carmélite fait l’expérience de sa finitude et de sa petitesse qu’elle transforme en espérance en la miséricorde divine. Elle dépoussière des réalités qui sont toujours valables en notre temps : simplicité de vie, expérience de foi, profondeur de l’espérance, authenticité de l’amour, chemin d’intériorité.

La petite Thérèse rend compte de sa foi joyeuse en purifiant les idées réductrices du Dieu-Amour dans le contexte légaliste des pratiques spirituelles de son temps. Sa petite voie de confiance et d’amour séduira les chrétiens du XXe siècle, à commencer par les carmélites Élisabeth de la Trinité (1880-1906), qui vit en présence des Trois en elle, et Édith Stein (1891-1942), mise à mort au camp d'Auschwitz dans le secret de la Croix.

Charles de Foucauld et l’enfouissement au désert

Le théologien dominicain Yves Congar, spécialiste au concile Vatican II, affirmait qu’au début de l’ère atomique, Dieu avait allumé deux phares : Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld. Le converti Charles de Jésus (1856-1916) désirait avant tout imiter la vie cachée de Jésus à Nazareth. Il sera assassiné devant son ermitage du Sahara, après avoir établi des ponts avec les musulmans. Il voulait que son apostolat soit celui de la bonté, faisant de la religion un amour.

Charles de Foucauld est devenu un Évangile vivant. Il l’a crié par sa vie, ses écrits, sa prière silencieuse, son adoration eucharistique, sa mort offerte par amour. Le grain de blé sera enfoui dans les sables du désert et portera du fruit en son temps. Il n’aura aucun disciple de son vivant, mais quelques années après sa mort, sa famille spirituelle s’étendra aux cinq continents, surtout grâce au rayonnement de sœur Magdeleine de Jésus (1898-1989) et de René Voillaume (1905-2003).

Les maîtres spirituels au XXe siècle

La spiritualité catholique au XXe siècle a été marquée par un renouveau biblique, liturgique et patristique qui va inspirer les pères du concile Vatican II. Ce concile œcuménique mettra l’accent sur la primauté du Christ, le retour à l’Évangile, l’appel universel à la sainteté, le sacerdoce baptismal, les signes des temps, la place de l’Église dans le monde, l’évangélisation. Le début des années 1970 connaîtra l’arrivée du Renouveau charismatique, l’émergence des groupes de prière et des communautés nouvelles. 

La liste des maîtres spirituels au XXe siècle est longue et très variée; elle ne peut être que subjective. Je pense au paléontologue Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) et le milieu divin, au capucin Padre Pio (1887-1968) et la soif des âmes, au carme Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (1894-1967) et le désir de voir Dieu, au mystique Maurice Zundel (1897-1975) et l’émerveillement de la présence de Dieu, à la travailleuse sociale Madeleine Delbrêl (1904-1964) et la sainteté des gens ordinaires.

Je pense aussi à ces témoins du Christ qui ont été des maîtres dans leur domaine : le romancier Georges Bernanos (1888-1948) et l’invincible espérance, le poète Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) et la théopoésie, le jésuite François Varillon (1905-1978) et la souffrance de Dieu, le théologien Hans Urs von Balthasar (1905-1988) et l’esthétique de la Révélation, la stigmatisée Marthe Robin (1902-1981) et les Foyers de charité, l’abbé Jean Lafrance ( 1931-1991) et la prière du cœur.

Mentionnons également le père Henri Caffarel (1903-1996) et les équipes Notre-Dame, le laïc Pierre Goursat (1914-1991) et la Communauté de l’Emmanuel, mère Teresa (1910-1997) et les Missionnaires de la Charité, le frère Roger de Taizé (1915-2005) et les conciles des jeunes, l’abbé Pierre (1912-2007) et l’appel des sans-abris… Bien d’autres maîtres spirituels chrétiens, connus et inconnus pourraient figurer dans cette liste. À vous de les nommer.

Paul VI avait raison : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (L’évangélisation dans le monde moderne, no 41). Les papes de ces dernières décennies ont également été des maîtres et des témoins : Jean XXIII et la paix dans le monde, Paul VI et l’œcuménisme, Jean-Paul II et la nouvelle évangélisation, Benoît XVI et l’amour de la vérité, François et la joie de l’Évangile.

Des maîtres de la foi orthodoxe

La spiritualité chrétienne a traversé les siècles, prenant la couleur des grands ténors spirituels de l’Église. Je m’en suis surtout tenu ici à la tradition catholique, négligeant les grandes figures de la spiritualité byzantine et leurs écrits : Jean Climaque (v.575-v.650) et son Échelle du paradis, Maxime le Confesseur (v. 580-662) et son Discours ascétique, Jean Damascène (v. 676-749) et son Exposition de la foi orthodoxe, Syméon le Nouveau Théologien (949-1022) et ses Hymnes, Grégoire Palamas (1296 - 1359) et La déification de l’être humain.

Je voudrais souligner trois autres maîtres spirituels chrétiens qui ont été de saints moines et qui marquent encore notre époque par le rayonnement de leur intercession. Le starets Séraphim de Sarov (1754-1833), grande figure russe de l’Église orthodoxe ; l’ermite Charbel Makhlouf (1828-1898), saint moine libanais maronite ; le moine Syméon Antonov, connu sous son patronyme religieux de Silouane de l’Athos (1866-1938), qui répétait souvent : « Ne désespère pas ».

Je termine ce bref panorama des grands maîtres chrétiens par le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, qui disait à Peter Seewald dans Le sel de la terre : « Ce dont nous avons réellement besoin, ce sont des gens qui sont intérieurement habités par le christianisme, le vivent comme un bonheur et un espoir et sont ainsi devenus des âmes aimantes. C’est cela que nous appelons des saints. Les vrais réformateurs de l’Église, grâce auxquels elle est redevenue plus simple et a ouvert ainsi de nouveaux accès à la foi, ont toujours été les saints. » 

 Vidéo de 32 minutes de la série sur les maîtres spirituels chrétiens, ajoutée le 19 octobre 2020. C'est le dernier entretien, d'une série de douze dans ma chaîne YouTube, donné en mai 2017 au monastère du Coeur de Jésus à Chicoutimi.

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jeudi 3 octobre 2024

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