Noël demeure une fête très populaire, plus que Pâques, même si celle-ci est le sommet de l’année liturgique. Pourtant, si nous célébrons la naissance de Jésus, c’est parce qu’il est ressuscité. L’Église n’a pas vraiment d’intérêt à célébrer un mort. Le Christ est vivant, il nous sauve et il veut naître chaque jour en chacun de nous. C’est la venue de l’Emmanuel, Dieu avec nous, l’étoile qui brille dans la nuit de nos doutes. Notre naissance se vit dans le présent de cet aujourd’hui de la liturgie où Dieu vient à nous à chaque eucharistie, chaque Noël.

L’éternelle enfance de Dieu

C’est la foi chrétienne qui donne tout son sens à la solennité de la Nativité du Seigneur, la naissance de Dieu en notre chair. Une grâce spéciale est toujours accordée à Noël. Elle découle de «l’éternelle enfance de Dieu», selon l’expression de Paul Claudel. Cette grâce de Noël se manifeste dans le partage, l’affection, l’espérance, la joie. Mais il y a aussi la souffrance, car plusieurs se sentent seuls le jour de Noël. Des blessures plus ou moins anciennes apparaissent qui prennent du temps à cicatriser. Que de Noëls pour apprendre à aimer et à pardonner ! Que de passages pour assumer sa propre naissance et advenir à notre humanité!

crecheC’est par la porte de la foi que nous pouvons entrer dans le mystère de la crèche, naître avec l’enfant de Bethléem, reconnaître qu’il est le Dieu caché, toujours proche. Noël, c’est la venue de Jésus, fils de Marie et Fils de Dieu, présent au creux de notre humanité. C’est là, dans l’indigence de notre crèche intérieure, que le Dieu fait homme se révèle en Jésus. Il nous partage son désir d’aimer, sa soif de nous rencontrer, son désir de changer nos déserts en vergers. Il nous invite à le découvrir caché comme un levain dans la pâte de nos sociétés laïques. Noël, c’est le vieux rêve d’une humanité qui recommence, qui espère, qui retrouve son cœur d’enfant, malgré les douleurs de l’enfantement d’un monde meilleur.

L’ultime enfantement

Chaque Noël, nous naissons un peu plus en Dieu. Mais que de forces obscures nous ébranlent, comme les épreuves et les deuils, la maladie et la mort, l’humiliation et le désespoir. Nous communions ainsi à la fragilité du Dieu fait homme. Souvent, nous souffrons tellement qu’il n’y a pas de place à l’hôtellerie de notre cœur pour accueillir l’Enfant qui veut nous apporter la paix intérieure. La prière nous donne cette ouverture de l’âme, cette espérance que Dieu nous tient au creux de son amour, comme il l’a fait pour Marie et Joseph. Cette pauvre prière de simple regard est à l’image de l’amour désarmé de l’enfant de Bethléem. Prière intérieure où le silence amoureux nous fait goûter la joie profonde de Noël.

Nous n’avons jamais fini de naître en Dieu. Notre naissance est en avant, jusqu’à notre ultime «enfantement», pour reprendre l’expression de saint Ignace d’Antioche, supplicié à Rome vers 117: «Il est bon pour moi de mourir pour m’unir au Christ (...) Mon enfantement approche (...) Laissez-moi recevoir la pure lumière» (Lettre aux Romains).

On le voit bien, Noël n’est jamais loin de Pâques, la vie de la mort, la naissance de la résurrection, l’incarnation de la rédemption, la joie de la croix. C’est dans cet esprit de foi que je vous souhaite un joyeux Noël, puisque le Christ est né, a souffert et qu’il est ressuscité d’entre les morts.

 

Publié dans Prions en Église, 22 décembre 2013, p. 35-36.