Le blogue de Jacques Gauthier
Pape François et Thérèse de Lisieux: "C'est la confiance"
Le 7 septembre 2019, le pape François confiait à des religieuses de Madagascar : « Thérèse m’accompagne à chaque pas et je veux en donner témoignage. Elle m’a enseigné à avancer, malgré mes douleurs. Mais c’est une amie fidèle et elle montre la route à suivre. »
Dans l’exhortation apostolique « C’est la confiance », il témoigne de sa proximité avec Thérèse en misant avec elle sur la confiance en l’amour miséricordieux. Le titre reprend la phrase célèbre de la jeune carmélite : « C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour » (1).
François affirme que ces mots « résument le génie de sa spiritualité et suffiraient à justifier qu’on l’ait déclarée Docteur de l’Église » (2). À l’école de Thérèse depuis longtemps, il sait par expérience que « c’est la confiance qui nous permet de remettre entre les mains de Dieu ce que lui seul peut faire » (45).
Ce texte d'une trentaine de pages est publié à l’occasion du 150e anniversaire de naissance de Thérèse. Il paraît le 15 octobre, en la fête de Thérèse d’Avila, pour bien faire comprendre que le message de la sainte de Lisieux fait partie « du trésor spirituel de l’Église » et qu’il est « comme un fruit mûr de la réforme du Carmel et de la spiritualité de la grande Sainte espagnole » (4).
Jésus et la mission
L’exhortation est divisée en quatre parties. Le Pape reprend les grandes synthèses thérésiennes que l'on peut résumer en quatre mots: Jésus, confiance, amour, Évangile. Il montre d’abord que le nom de Thérèse est lié à celui de Jésus et à la mission: Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. « Le Nom de Jésus est continuellement “respiré” par Thérèse comme un acte d’amour, jusqu’à son dernier souffle » (8). Il est le grand amour de sa vie, son secret de sainteté, sa mission pour les autres : « Je désirerai au Ciel la même chose que sur la terre : Aimer Jésus et le faire aimer » (Lettre 220 à l’abbé Bellière). Souvenons-nous de sa dernière parole avant d’entrer dans la Vie, le 30 septembre 1897, à l'âge de 24 ans : « Mon Dieu, je vous aime ».
Celle qui a été déclarée Patronne des Missions en 1927 est une « maîtresse en évangélisation », « non par pression ou prosélytisme », mais « par attraction » (10), loin de toute « autoréférentialité » et rigidité. On reconnaît les thèmes récurrents de François, pour qui Thérèse est un modèle d'une Église humble et compatissante.
« Ce n’est pas le cœur d’une Église triomphaliste, c’est le cœur d’une Église aimante, humble et miséricordieuse. Thérèse ne se met jamais au-dessus des autres, mais à la dernière place avec le Fils de Dieu qui, pour nous, a pris la condition de serviteur et s’est humilié, devenant obéissant jusqu’à la mort sur une croix (cf. Ph 2, 7-8) » (40).
La petite voie de la confiance
« Témoin du radicalisme évangélique » (52), la sainte de Lisieux désire attirer sans cesse les âmes à Jésus par l’exemple et la prière, au-delà de tout mérite, puisqu’elle se sent faible. Telle est sa petite voie de confiance et d’amour, qui se trouve au cœur de sa spiritualité. Elle raconte dans son Histoire d’une âme la découverte de cette voie de sainteté pour tous, appelée aussi l'esprit d’enfance spirituelle. Il suffit de prendre l’ascenseur que sont les bras de Jésus, de lui faire confiance et de vivre d’amour dans les petites choses du quotidien. Elle enseigne à ses novices que la Vierge Marie elle-même a vécu cette voie commune de l’amour dans la simplicité de la foi en étant humble et petite, en écoutant et en gardant la parole de Dieu dans son cœur.
Le Pape revient sur son exhortation Gaudete et exsultate, qui est un appel à la sainteté dans le monde actuel : « Face à une conception pélagienne de la sainteté, individualiste et élitiste, plus ascétique que mystique, qui met surtout l’accent sur l’effort humain, Thérèse souligne toujours la primauté de l’action de Dieu, de sa grâce » (17). Elle ne compte pas sur ses propres forces, mais sur l'amour de Dieu, qui est la sainteté même. Ainsi, elle arrive devant lui « les mains vides », sachant que « tout est grâce ».
François souligne que Thérèse ne met pas ses besoins en premier, mais le désir de Jésus de s’unir à nous et de demeurer dans nos cœurs. Il a déjà parlé de ce désir de Jésus dans sa lettre apostolique Un ardent désir, où il réfléchit sur la formation liturgique du peuple de Dieu à partir de cette parole de Jésus: « J'ai désiré d'un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » ! (Lc 22, 15) Ce désir est aussi partagé par Thérèse:
« Dans l’Acte d’offrande à l’Amour Miséricordieux, souffrant de ne pouvoir recevoir la communion tous les jours, elle dit à Jésus : « Restez-en moi, comme au tabernacle ». Le centre et l’objet de son regard ne sont pas elle-même avec ses besoins, mais le Christ qui aime, qui cherche, qui désire, qui demeure dans l’âme » (22).
La confiance totale au Christ embrasse toute la vie et devient « abandon dans l’Amour ». Elle « nous libère des calculs obsessionnels, de l’inquiétude constante pour l’avenir, des peurs qui enlèvent la paix » (24). La confiance se vit aussi dans la nuit terrible de la foi où les ténèbres envahissent l’âme, comme l’a vécue Thérèse dès Pâques 1896 et jusqu’à sa mort. « Le récit de Thérèse montre le caractère héroïque de sa foi, sa victoire dans le combat spirituel face aux tentations les plus fortes. Elle se sent la sœur des athées et se met à table, comme Jésus, avec les pécheurs (cf. Mt 9, 10-13) » (26).
Je serai l’amour
Thérèse entre d'une manière unique dans les profondeurs de la miséricorde divine. Elle y puise l’espérance qui la fait vivre, car le péché n’est pas infini, nous rappelle le Pape, contrairement à l’amour du Christ. Elle écrit dans l’une de ses prières : « Jésus, fais que je sauve beaucoup d’âmes, qu’aujourd’hui il n’y en ait pas une seule de damnée [...]. Jésus, pardonne-moi si je dis des choses qu’il ne faut pas dire, je ne veux que te réjouir et te consoler » (29).
Voulant rendre à Jésus « amour pour amour », elle veut le consoler de l’ingratitude des pécheurs, recevoir dans son âme les flots de tendresse qui sont renfermés dans le cœur de Dieu. En lisant la première Lettre de saint Paul aux Corinthiens, elle découvre que l’Église est un corps composé de membres différents, qu’elle a un cœur brûlant d’amour qui la fait agir, que cet amour éternel renferme toutes les vocations, alors elle s’écrie d’une manière très personnelle, qui ne peut venir que de l'Esprit Saint :
« O Jésus, mon Amour... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour... Oui j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée... dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour... ainsi je serai tout... ainsi mon rêve sera réalisé !!! » (39)
Le Pape évoque les grandes épreuves de la nuit du néant que traverse Thérèse, où elle se demande s’il y a un Ciel. Elle relève le pari de l’espérance en menant le bon combat de la foi. Ne voulant pas rester inactive après sa mort, elle travaille déjà pour l’Église et les âmes en y mettant le feu de l’amour. « Mon Ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre » (43).
Ce désir se réalise par la pluie de roses qu’elle fait tomber depuis sa mort et qui la rend encore si populaire aujourd'hui. Parmi les quatorze mille témoignages de miracles conservés au carmel de Lisieux, l’archiviste Camille Burette a sélectionné les plus signifiants dans son livre Pluie de roses (Emmanuel, 2023).
Une synthèse de l’Évangile
Le Pape termine son exhortation en rappelant avec Thérèse que seul l’amour compte. Là est l’essentiel. Cet amour se trouve au cœur de l’Évangile, manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité. Il reprend l'une de ses idées-phares :
« Tout n’est pas central, car il y a un ordre ou une hiérarchie entre les vérités de l’Église, et « ceci vaut autant pour les dogmes de foi que pour l’ensemble des enseignements de l’Église, y compris l’enseignement moral ». Le centre de la morale chrétienne c’est la charité qui est la réponse à l’amour inconditionnel de la Trinité. C’est pourquoi « les œuvres d’amour envers le prochain sont la manifestation extérieure la plus parfaite de la grâce intérieure de l’Esprit ». À la fin, seul l’amour compte. » (48)
L’apport inestimable que nous offre Thérèse n’est pas d'ordre analytique, écrit le Saint-Père, mais synthétique, « car son génie est de nous conduire au centre, à l’essentiel, au plus indispensable » (48). Il invite les théologiens, pasteurs et croyants à recueillir le message de Thérèse avec audace et liberté en considérant l’ensemble de sa vie. « En un temps de replis et d’enfermements, Thérèse nous invite à une sortie missionnaire, conquis par l’attrait de Jésus Christ et de l’Évangile » (52).
C’est ce que fait le pape François dans cette exhortation éloquente, où il laisse souvent la parole à sa chère Thérèse, qu’il nomme affectueusement « Docteur de la synthèse » (51). Il termine par cette brève prière qui en dit long sur son compagnonnage avec elle :
Pour aller plus loin: Mes livres sur Thérèse de Lisieux.
Mes articles du blogue sur Thérèse de Lisieux.
Mes vidéos de la chaîne YouTube sur Thérèse de Lisieux.
Ma vidéo sur la présentation de l'Exhortation du pape François "C'est la confiance", dans ma chaîne YouTube, ou ici:
À propos de l'auteur
Marié et père de famille, poète et essayiste, son oeuvre comprend plus de 80 livres, parus au Québec et en Europe, et traduits en plusieurs langues. Il a enseigné vingt ans à l'Université Saint-Paul d'Ottawa. Il donne des conférences et retraites que l'on retrouve dans sa chaîne YouTube. Pour en savoir plus: Voir sa biographie.
Derniers articles de cet auteur
Sur le même sujet:
En acceptant, vous accéderez à un service fourni par un tiers externe à https://www.jacquesgauthier.com/
Commentaires 4
Quelle chance de trouver ce blogue sur ma Sainte préférée dont j'ai peint souvent son inspiration.Amen!
Que Thérèse continue à vous accompagner sur sa petite voie de la confiance et de l'amour
Merci, Monsieur Jacques, pour cette belle réflexion sur l'exhortation de notre Saint Père le Pape Francois à Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Comptons nous chanceux d'avoir un homme si éclairé comme Pape François (malgré on en a eu de bons ces trois ou quatres derniers...). Son exhortation nous aide à mieux apprécier cette très grande Sainte et sa petite voie. Et, tu nous a très bien fait l'analyse pour nous la transmettre en profondeur. Bon voyage en Caen, à l'Alençon et à Montlignon. S.V.P. rapporte-nous de belles histoires que, j'espère que tu pourras partager avec nous ! Ta fan (disciple ? ou groupie ?) du Nouveau-Brunswick. Yolande
Que Thérèse veille sur nous et garde le pape François dans la joie de l'Évangile.