À l’heure d’une laïcité stricte, l’omniprésence de Noël dérange parfois. Pour les uns, la symbolique de cette fête chrétienne est trop visible dans l’espace public. Pour d’autres, les traditions héritées des ancêtres sont dépassées : sapin, crèche, messe, cantiques, réveillon, etc. De plus, la consommation excessive entraîne un gaspillage qui nuit à la planète. Puis, il y a l’autre Noël, où l’on célèbre une naissance qui nous dépasse, une présence que l’on attend. On chante « l’amour infini » [du] « divin enfant » endormi sur la paille, « entre le bœuf et l’âne gris ». Depuis deux mille ans, il met au monde l’espérance en s’identifiant aux plus petits, en nous invitant à plus de simplicité et de partage. Sa lumière illumine la nuit, son mystère s’entoure de silence : « Ô nuit de paix, sainte nuit ! Dans le ciel, l'astre luit. » Il fait de nous des « pèlerins d'espérance », selon le thème de l'Année Sainte 2025....
Le blogue de Jacques Gauthier
Le 7 septembre 2019, le pape François confiait à des religieuses de Madagascar : « Thérèse m’accompagne à chaque pas et je veux en donner témoignage. Elle m’a enseigné à avancer, malgré mes douleurs. Mais c’est une amie fidèle et elle montre la route à suivre. » Dans l’exhortation apostolique « C’est la confiance », il témoigne de sa proximité avec Thérèse en misant avec elle sur la confiance en l’amour miséricordieux. Le titre reprend la phrase célèbre de la jeune carmélite : « C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour » (1). François affirme que ces mots « résument le génie de sa spiritualité et suffiraient à justifier qu’on l’ait déclarée Docteur de l’Église » (2). À l’école de Thérèse depuis longtemps, il sait par expérience que « c’est la confiance qui nous permet de remettre entre les mains de Dieu ce que lui seul peut faire » (45). Ce texte d'une trentaine de...
La forte charge émotionnelle et symbolique de Noël nous échappe sans cesse. Comment peut-il en être autrement? Cette fête si riche de sens et de beauté est centrée sur l’attente d’une présence, la naissance de ce qui nous dépasse. Nous éprouvons souvent de la nostalgie ce jour-là, où joie et tristesse sont étroitement entremêlées. Nous ne serons jamais à la hauteur d’un tel mystère d’intériorité et d’adoration, à moins de rester enfants, ou poètes, ce qui revient au même. Nous voulons faire tant de choses alors qu’il suffit d’être. Les réveillons, les cadeaux, les cantiques ne sont pas de taille à rivaliser avec la révélation de l’enfant endormi sur la paille. Douce nuit, sainte nuit ! Dans les cieux ! L'astre luit. Le mystère annoncé s'accomplit. Cet enfant sur la paille endormi, C'est l'amour infini. L’éternelle enfance Dans mon autobiographie En sa présence, je montre que l’enfance n’est pas seulement le point de départ d’une vie,...
Décembre venait à peine de commencer que le courrier s’empilait sur le bureau du Père Noël. Des milliers d’enfants avaient déjà posté leurs lettres à la célèbre adresse : Père Noël, pôle Nord, HOH OHO, Canada. Le joyeux bonhomme, affairé à l’organisation de la grande nuit du 25 décembre, n’avait plus le temps de s’occuper du courrier. Il avait choisi des lutins, parmi les plus âgés, pour répondre aux enfants en son nom. Tous recevaient une réponse, tempête de neige ou non, à moins d’une grève des postes. Le Père Noël y tenait plus qu’à ses rennes. Mais les demandes des enfants dépassaient souvent les simples jouets à la mode. Certains voulaient un petit frère ou une petite sœur, d’autres un papa, une maman, la santé, moins de virus… Les lutins ne savaient plus trop quoi répondre. Ils en parlèrent au Père Noël. « C’est toujours la même chose, leur dit-il,...
« Le sentiment universel de piété a donné la prière, et celle-ci produit de la religion », écrivait le poète Novalis. Littéralement, prier est un acte de religion par lequel on s’adresse à Dieu. Ainsi, quand un événement se fait menaçant ou que la mort frappe à la porte, la personne a souvent le réflexe d’implorer un être supérieur qui peut la secourir. Mais prier, c’est aussi se mettre en présence de Dieu en se recueillant, en méditant sa parole, en le rencontrant tout au long de la journée par des actes intérieurs de foi, d’espérance et d’amour. Prier ainsi dans le silence nous apprend à mourir. Car ce n’est pas une mince affaire que de durer dans la prière, d’être attentif au mystère de Dieu, de lui offrir notre patience devant son silence, de nous abandonner à sa miséricorde en nous laissant transformer par son Esprit d’amour. Mourir à soi-même...
L’Avent est le temps par excellence de l’espérance. Ce temps d’attente et de désir nous prépare à accueillir Celui qui est, qui était et qui vient, le Verbe de vie, l’Emmanuel, Dieu avec nous. Nous célébrons l’arrivée de la lumière qu'est l’avènement de Notre Seigneur Jésus Christ. Il est venu humblement dans la chair à Noël, il vient mystérieusement chaque jour en nos âmes, il viendra puissamment dans la gloire, que ce soit à la fin de notre vie ou à la fin des temps. Telle est la foi chrétienne. Le mot Avent vient du latin Adventus qui désigne l'acte d'arriver. Cette joyeuse étape vers Noël rappelle que nous marchons vers un but, notre naissance en Dieu. Cette année, c’est la première fois que je vis ce temps en orphelin, solidaire des personnes qui vivent une perte, un manque, une solitude. Comme je l'ai déjà écrit dans ce blogue, mon père est décédé...
Deuxième partie de l'entretien avec Nathalie Calmé sur la crise de la quarantaine paru dans la revue Sources, no 40, décembre 2017. Pour lire la 1er partie, cliquez ici. Au moment de la crise de la quarantaine, le désarroi spirituel du croyant est parfois comparable, selon vous, à une « nuit mystique »... La nuit mystique surgit du fond de notre misère humaine, de la crise du désir vécue à la quarantaine. Le croyant s'en remet à Dieu. Sa foi lui fait comprendre mystérieusement que c'est Dieu qui agit en lui. Il l'invite à la paix du cœur en le faisant passer par la nuit du dépouillement. Dieu plonge son cœur dans le vide et la sécheresse en lui montrant ce qui est faux et ombrageux : égoïsme, orgueil, agressivité, dépendance, jalousie. Le Tout éclaire son côté destructif. Il s'ensuit une grande douleur de se savoir indigne d'un tel amour. La nuit mystique dépasse tout ce...
Le 14 décembre, l'Église honore la mémoire de saint Jean de la Croix (1542-1591). J'ai déjà partagé sur ce blogue mon admiration pour ce poète carme qui est devenu dès ma vingtaine un ami, un frère, un guide. Lors d’un salon du livre, de jeunes poètes me confiaient comment l’auteur mystique leur avait ouvert les yeux sur un autre réel, voilé par la routine quotidienne, mais qui sous sa plume dévoilait un don, une promesse, malgré la nuit, le désert, le vide. Ce réel caché, ne serait-ce pas Dieu? Les images que nous nous faisons de Dieu sont sans cesse à purifier, répète l’auteur de La Nuit obscure, Dieu étant toujours « au-delà de tout ». C’est un « je ne sais quoi », qui transcende toute connaissance. Le silence d’amour vécu dans l'oraison contemplative l’exprime mieux que tout autre langage, ce qui demande abandon et communion au mystère divin qui nous...
Nous parlons de Dieu entre nous depuis des millénaires. Nous écrivons beaucoup sur lui, peut-être pour nous consoler de ne pas le voir, pour nous souvenir de sa présence. Il demeure le grand mystère qui a inspiré tant d'artistes. Dieu, ni ceci ne cela, avouait le poète carme saint Jean de la Croix, c’est un je-ne-sais-quoi d’insaisissable que le cœur brûle d’obtenir, mais c'est de nuit. Dieu, le terme vers lequel nous nous dirigeons, « peut être regardé comme une nuit obscure pour l’âme, tant qu’elle est en cette vie » (La Montée du Carmel, livre 1, chapitre 2). Ce mot obscur de Dieu nous gêne ou nous ravit selon l’expérience que nous en avons. Il érode les sens et creuse le désir. Face à notre impuissance de tout contrôler, nous nous en servons souvent pour le projeter contre le mal. Ne parle-t-on pas de Act of God, comme on le voit...
La vie s'approche de moi, la plus intense et la plus discrète, la plus enveloppante et la plus intérieure. Je ne me cache plus à son envahissement. Elle ne demande rien, sinon céder ce qui se crée dans la nuit de l'esprit. La table étire le geste de partir. Au-delà de mes pas, la démesure de la joie. *** Je ne suis pas assez nu pour t'aimer. Je ne suis pas assez dans la nuit pour te connaître. Ma solitude est une offrande jetée sur tes rivages. Le silence m'enracine dans ton immobilité. Tu es là dès que je tourne le dos. Ta parole jaillit du tombeau des poètes. Elle pénètre mes vertèbres. Il n'y a plus d'images et de voix, seulement ta parole en travail qui presse de bénir l'univers. Je ne suis nulle part qu'en toi, chemin qui vient vers moi. *** Je tais ce qui ne...
Le germe, personne ne l’aperçoit quand le grain meurt. La nuit seule en est témoin. Un jour paraît la pousse. Mais il en a fallu des nuits pour en arriver là! Dieu est en nous comme une semence et son règne germe dans notre humanité. Il est patient, son temps n’est pas le nôtre. Sa semence travaille en secret. C’est lui qui fait grandir. Baptême de lumière, prière de silence. « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi » (Marc 4, 26-28). Qui donne reçoit. Rien ne se perd quand c’est de l'amour. En échange de ce qui est périssable, nous récoltons un fruit qui demeure. Il ne manque que la...
Je vais vous raconter une expérience que j'ai vécue une nuit: j'ai rêvé à l'amour de Dieu. Je dormais profondément lorsqu’un triangle de lumière est apparu sous mes pieds et m’a soulevé. Sa clarté inondait mon corps d’une bonté et d’une douceur sans pareille. Cette lumière m’a bercé longtemps, par pure miséricorde. J’étais ravi. En réponse à cet amour, je murmurais : « Je t’aime, Jésus. Je t’aime ». Il me semblait que cette lumière bienfaisante ne pouvait être que lui, le Dieu fait homme, qui a pris notre chair pour la revêtir des lueurs de Pâques. C’était tellement incandescent, aérien, gracieux, que je ne voulais pas quitter cet état de pure béatitude. Le psalmiste a bien raison quand il écrit : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (126, 2) Un passage de Dieu À mon réveil, dès l’aube, j’étais aveuglé de joie. Mon âme gardait l’empreinte de ce qu’il me semblait être...
Dans sa première encyclique, La lumière de la foi, le pape François reprend et complète le texte commencé par Benoît XVI. L’encyclique est une catéchèse qui présente la foi comme la lumière concentrée en Jésus: « La confession chrétienne de Jésus, unique sauveur, affirme que toute la lumière de Dieu s’est concentrée en lui, dans sa vie lumineuse, où se révèlent l’origine et la consommation de l’histoire » (35). Si la foi est lumière, elle est aussi nuit. L’encyclique n’aborde pas le côté nocturne de la foi, sauf à cet endroit: « La foi n’est pas une lumière qui dissiperait toutes nos ténèbres, mais la lampe qui guide nos pas dans la nuit, et cela suffit pour le chemin » (57). La foi : une nuit La foi, disait la carmélite Élisabeth de la Trinité, « c’est le face-à-face dans les ténèbres ». Elle s’apparente à la nuit, selon Jean de la Croix, parce que les sens...
Venez au jour! Le Christ prépare son retour! Le Christ prévient l'ère nuptiale! Passent les temps! Passe la chair! L'Esprit de Dieu souffle au désert, Annonçant l'aurore pascale! Cette première strophe de l'hymne de Carême du poète Patrice de La Tour du Pin (1911-1975) peut nous aider à entrer dans ce temps de conversion et de pénitence qui commence avec le mercredi des Cendres. L'année liturgique nous permet d'être en contact permanent avec le Christ présent dans son Église et dans notre temps. Le temps rend ainsi présent le Christ qui vit son mystère pascal à travers nous, à telle fête liturgique, sous un mode symbolique, sacramentel. C'est dans ce temps linéaire de notre histoire que Le Christ prépare son retour, et que le Carême nous retourne le coeur pour Pâques: Retournez-vous! Apprenez Dieu! Le jour du Carême Venez au jour! Ce jour de l'hymne est d'abord le temps de l'année liturgique qui s'étend du mercredi des Cendres au...
Il est normal parfois de ne rien ressentir dans la prière, puisque toute émotion vient des sens et que Dieu est au-delà du sensible. C’est ce que le poète mystique Jean de la Croix appelle « la nuit obscure » : nuit par les sens et la raison qui sont privés de goût, nuit par la foi elle-même qui nous fait croire ce que nous ne voyons pas, nuit par Dieu lui-même qui est au-delà de tout ce qu’on pourrait en dire et comprendre. Ce Dieu, que «nul n’a jamais vu» (Jean 1, 18), mais que Jésus est venu révéler comme Père, est «un Dieu caché» (Isaïe 45, 15). Consolons-nous, tous les grands spirituels ont connu cette épreuve de l’aridité dans la prière. Dans la sécheresse spirituelle, Dieu semble absent, indifférent, caché dans un lourd silence. Ce sentiment d’être abandonné de Dieu est ressenti comme un vide intérieur, une solitude aride, un manque existentiel....
À la fin d'une conférence sur la prière, un jeune homme m'a dit: « Si je pouvais avoir plus de silence pour prier, me retirer dans un lieu calme, être loin de la maison, ça prierait mieux. De plus, je n’ai pas le goût de prier ». Après réflexion, je lui répondrais ceci. Prie donc là où tu es, avec ce que tu vis. Certes, il est bon de réunir les meilleures conditions pour prier, mais la prière qui te convient est celle que tu vis aujourd’hui. Dieu donne la prière dont nous avons besoin au moment même où nous prions. C’est une question de foi et de confiance. Tu auras beau réunir les conditions idéales pour prier, il y aura toujours des obstacles comme la fatigue, les distractions, la paresse, le manque de foi. Même si tu fuis jusqu’au désert le plus éloigné, tu t’apercevras bien vite que le principal...
Je suis sorti dans la nuitpour rentrer en moi-même.Il n’y avait presque riensous le ciel d’encre,si ce n’est ma foi en toi, mon Dieu. J’y ai lu tes beautés : le silence des étoiles,la caresse de la brise légère,le clair-obscur de la lune,le chant de la source. La joie est montée comme une vague,à la fine pointe de l’âme,je me suis noyé en elle,je me suis perdu en toi,j’ai retrouvé le chemin du retour. La musique de ton nomm’a maintenu à flot,la douceur des larmesm’a tenu éveillé jusqu’à l’aube,au creux d’une oraison silencieuse. Merci mon Dieu de naître en moi chaque matin. Jacques Gauthier Paru dans Prions en Église, Montréal, 16 décembre 2012, p. 33. Pour d'autres prières du même genre, voir mon livre Prières de toutes les saisons.
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