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Le blogue de Jacques Gauthier

La prière d’abandon de Charles de Foucauld

Voici le dernier article, d'une série de huit entretiens, de ma retraire avec saint Charles de Foucauld. Le 15 mai 2022, le pape François disait dans son homélie de la messe de canonisation de frère Charles et de neuf autres bienheureux: «Au début de notre être chrétien, il n'y a pas de doctrines ni d'œuvres, mais l'émerveillement de nous découvrir aimés, avant toute réponse de notre part».

Cet amour gratuit de Dieu, qui est l’essentiel de la sainteté, a transformé la vie de Charles de Foucauld. Comme Jean Baptiste au désert, frère Charles, est un témoin qui nous montre Jésus, qui nous invite à vivre l’Évangile, à aller vers le Dieu des pauvres. Il veut être le visage de Jésus pour les autres, pour qu’en voyant sa bonté, on puisse dire que sa religion doit être bonne. Sa prière s’adresse surtout à Jésus. Il le fait souvent parler dans ses méditations, contemplant les différents aspects du mystère du Christ célébré dans la liturgie. Il définit la prière comme un regard amoureux tourné vers Jésus qui nous regarde avec amour, même si nous ne ressentons pas son amour. « Prier, c’est penser à Dieu en l’aimant », note-t-il dans ses méditations.
 
Le texte le plus connu de frère Charles est une prière au Père qu’on a appelée « prière d’abandon ». Elle est récitée à travers le monde entier et bouleverse encore aujourd’hui bon nombre de ceux qui la récitent. Moi-même, je la récite plusieurs fois par jour et j’aime la chanter lorsque je fais mon jogging matinal. Elle me donne une paix profonde. Mais d’où vient cette prière?
 

Foucauld Priere abandon

Elle a été écrite en 1896 au moment où Charles de Foucauld était moine trappiste, sous le nom de frère Marie-Albéric, en référence au bienheureux Albéric, fondateur et abbé de Cîteaux, mort en 1109. Charles était entré à l’abbaye Notre-Dame-des-Neiges le 16 janvier 1890 à l’âge de trente-deux ans. Au moment où il écrit sa prière d’abandon, il vit un moment difficile de sa vie, car il est sur le point de quitter la communauté et il veut s’en remettre à la volonté de ses supérieurs. 

La prière est extraite des Méditations sur l’Évangile au sujet des principales vertus. Elle reprend le verset de la dernière prière de Jésus à son Père : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23, 46). Dans le texte original, il exprime le souhait que cette prière de Jésus en croix soit non seulement celle de notre dernier instant, mais celle de tous nos instants. La prière d’abandon prend tout son sens lorsque nous la prions en pensant que c’est Jésus qui s’adresse à son Père, comme il l’a fait en nous laissons sa prière, le Notre Père.

La prière d’abandon est publiée sans titre par René Bazin en 1924. En 1940, les Petites Sœurs de Jésus retouchent le texte et en font leur prière. Leur fondatrice, sœur Magdeleine de Jésus, la fait connaître en la diffusant amplement. En 1946, le Bulletin de l’Association Charles de Foucauld publie la prière sous le titre La Prière d’abandon du père de Foucauld. La voici dans un format que l’on connaît habituellement :

Mon Père, je m’abandonne à toi ;
fais de moi ce qu’il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
Pourvu que ta volonté se fasse en moi,
en toutes tes créatures,
je ne désire rien d’autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains ;
je te la donne, mon Dieu,
avec tout l’amour de mon cœur
parce que je t’aime,
et que ce m’est un besoin d’amour de me donner,
de me remettre entre tes mains sans mesure,
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père.
 

Cette prière touche le cœur par des mots simples et profonds. Elle condense toute la relation confiante que frère Charles vit en Jésus, qui remet son esprit à son Père. La prière est d’une grande fécondité lorsqu’on la dit en accompagnant quelqu’un dans l’épreuve, en visitant les malades, en accompagnant les mourants, puisque c’est la dernière prière du Maître avant de mourir. Nous nous unissons à Jésus qui reprend cette prière en nous. Il nous invite librement à remettre avec confiance notre âme entre les mains du Père, lui qui fait de nous ses enfants, qui voit dans le secret du cœur, qui veut notre bonheur et notre salut.

Mon Père

C’est assez rare que frère Charles commence sa prière en s’adressant au Père. Normalement, il prie Jésus. Ici, il s’abandonne au Père, mais en passant par Jésus : « Mon Père. » Dieu n’est pas un être lointain et indifférent, mais un Père proche et tendre. Charles lui demande de faire en lui tout ce qui lui plaira. Il est prêt à tout, il accepte tout, mais à une seule condition : que sa volonté se fasse en lui et en toutes ses créatures, parce qu’il l’aime et qu’il ressent en lui le besoin de se donner. Il ne désire qu’appartenir au Père, puisqu’il se sait aimé de lui.

Avec Jésus, frère Charles remet son âme entre les mains du Père. Il la lui donne avec tout l’amour de son cœur. Telle est son identité d’enfant du Père : aimer et être aimé. Ce double mouvement, donner et recevoir, s’exprime dans un apostolat de la bonté, où le feu qu’il ressent pour Dieu est le même pour le salut de ses frères et sœurs. Ce besoin de se donner est viscéral. Il sent qu’il souffre, mais il ne sent pas toujours qu’il aime. Qu’importe, « vouloir aimer, c’est déjà aimer… On n’aimera jamais assez », écrivait-il à sa cousine Marie de Bondy le jour même de sa mort, où il remettait son âme entre les mains du Père.

En Jésus, frère Charles se rend disponible au Père qui lui murmure au fond du cœur à quel point il l’aime. La prière manifeste son besoin de se donner sans mesure, dans la gratitude et l’action de grâce. L’amour lui donne l’assurance d’une infinie confiance envers ce Père qui n’existe qu’en aimant, qu’en se donnant, qu’en rayonnant. Il termine par ce cri de foi : « Car tu es mon Père. » Tout est dit. Comme Jésus, son oui est absolu. Cette prière est devenue internationale, à l’image du frère universel.

Vouloir ce que Dieu veut

Sur le conseil de l’abbé Huvelin, frère Charles lira L’Abandon à la Providence divine, publié au XVIIIe siècle, attribué au père de Caussade. Ce traité montre que l’abandon n’est pas un laisser-faire, mais un acte responsable de remise à Dieu où l’on vit la sainteté dans la joie de l’aujourd’hui. La sainteté consiste ici dans la fidélité à la volonté de Dieu et dans l’abandon à son action. Cet abandon se vit dans le moment présent en laissant l’Esprit Saint nous parler dans telle circonstance donnée. 

Cette spiritualité de l’abandon au moment présent ne pouvait que plaire à Charles, qui aspire à dire un « oui » total, comme Marie ; un oui créatif, responsable, vivant. Le père Thomas Keating dirait qu’il s’agit de consentir à ce que Dieu veut dans un abandon confiant à sa volonté. Pour l’abbé Henri Caffarel, la prière d’abandon, comme toute forme d’oraison, prolonge en nous la prière de Jésus à son Père.

Devenu prêtre, Charles de Foucauld ne s’inquiétera pas pour l’avenir, car il veut ce que Dieu veut dans l’instant présent. Il reprendra souvent la dernière prière de Jésus sur la croix, unissant l’heure de maintenant et l’heure de la mort : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Il s’abandonnera sans mesure, dans des circonstances difficiles, avec une infinie confiance, « car tu es mon Père ». Aussi, peut-il tout lui demander, « pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d’autre, mon Dieu ». D’où l’ultime demande : « Mon Dieu, faites que tous les humains aillent au ciel ».

Pour aller plus loin: Saint Charles de Foucauld, passionné de Dieu (Emmanuel/Novalis)

Lire les autres articles du blogue sur Charles de Foucauld, cliquez ici.

Voici la liste des huit vidéos de la retraite avec frère Charles dans ma chaîne YouTube.

Dernière vidéo de 30 minutes de la retraite sur la prière d'abandon de Charles de Foucauld:

Récit d’une nouvelle naissance
Adoration eucharistique et désert avec Charles de ...

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mercredi 3 juillet 2024

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